Séance de Bulles [Terminé]

Détente, douce et agréable détente.
Un bain, mes amis, peut être plus doux qu'une rasade d'eau en pleine canicule. Plus doux que la caresse d'un ami pendant un coup de déprime. Un bain est une chose bien supérieure, que l'on pourrait placer au niveau de divinité.

Et c'est un bain dont Méline rêvait. Après une séance de course à pied dans la neige avec Kirfédein, trempée de sueur salée et chaude, elle arriva dans son dortoir, le dortoir des Kaelem.  La pièce principale était plongée dans une chaleur agréable entretenue par un feu de bois. Les couleurs rouges et oranges donnaient à la salle une atmosphère de cocon. Elle aurait voulu y rester, mais l'odeur épicée qui émanait d'elle l'en dissuada. Elle passa rapidement dans la chambre qu'elle partageait avec d'autres jeunes Kealem, saisit une grande trousse de toilette, une immense serviette de bain et un uniforme propre.

La salle des eaux était toute proche, elle traversa le couloir le plus silencieusement possible, et se glissa dans la salle d'eau. L'air de la pièce tiède, l'enveloppa toute entière.
Elle se dévêtit et entra dans un bain qu'elle avait fait couler, l'eau bouillante lui lécha les jambes, la température était presque insupportable. Restant assise sur le bord de la baignoire, elle prit le temps de s'habituer avant de se plonger en entier dans la baignoire.

Chaud. Brûlant.

La jeune fille prit le temps de se laver et de se débarrasser entièrement de la crasse de l'après-midi. Elle utilisa tout les gels à sa dispositions, prit soin de ses cheveux et finalement, se laissa somnoler dans l'eau encore tiède.
C'est alors qu'elle entendit quelqu'un entrer dans la pièce. Elle s'essuya aussi rapidement qu'elle put, avant de lancer d'une voix forte:

- Qui est-ce qui est là?

- Euh... je... je suis domestique ici, et je m'ap... je me nomme Elizia. Lÿr.

Méline n'avait pas encore eut le temps de rencontrer les domestiques, étant donné qu'elle passait tout son temps libre sur les toits ou dans le parc,et que ses cours avec son maître lui occupaient souvent toute le journée.

- Elizia Lÿr.

La jeune domestique à qui Méline ne donnait pas plus de seize ans, voir moins, semblait un peu, beaucoup, passionnément, timide. Ses joues roses témoignaient d'un gène, surement du à sa nudité.
Elle était plutôt jolie, et très fine. L'apprentie marchombre soupira en jetant un regard à son propre corps, à ses cuisses larges, à son ventre légèrement bombé, à ses fesses . Elle n'avait jamais été réellement complexée, on n'a qu'une vie, il faut en profiter, mais des fois elle regrettait de ne pas être aussi fluette, et de ne pas avoir une morphologie adaptée à l'idée qu'elle se faisait du parfait marchombre.
Elle secoua la tête. Elle s'amincirait sûrement durant les trois années que dureraient son apprentissage,et puis les hommes avaient toujours apprécié ses rondeurs, ses formes, et son visage n'était pas laid, avec ses grands yeux caramels et ses longs cils,cela lui donnait toujours une consolation.
Profiter de la vie. Concept auquel nombre de personnes étaient imperméables. On n'a une seule et unique vie, mes amis. Pourquoi se la gâcher en se privant du plaisir. Pourquoi ne pas se lâcher de temps en temps et compenser en courant ou en s'entraînant comme elle le faisait?
Mais la jeune fille comprenait que pour certain, c'était dur. Avoir le corps parfait. Être parfait. Plaire à tous. C'est une sorte de besoin quelque fois, comme le besoin de Méline d'être gentille aux limites du supportable.

Parfois, la jeune Kaelem pesait trop, comme en ce moment. Elle était tellement perdue dans les méandres de son esprit qu'elle ne prit pas conscience que la jeune fille aux cheveux roux claires attendait une réponse Une présentation peut-être.

Fixant ses yeux dans ceux de la jeune filles encore nue, elle s'apprêta à répondre, mais celle-çi enfonça sa tête dans l'eau, apparemment bouillante de son bain. Méline attendit quelques secondes, le temps qu'Elizia vienne en surface pour respirer.


- Ravie de faire ta connaissance. Moi je m'appelle Méline Hil'Natane. Je suis une simple élève.

Un court silence suivit, ponctué par la chute de gouttes d'eau qui échappaient à un robinet non-identifiable dans la salle.

- Tu n'as pas à te cacher, tu sais, on est tous fait pareil, je ne me moquerait pas de toi, promis.

Elle avait dit ça en essayant de détendre un peu l'atmosphère, mais elle trouva ses paroles ridicules. La fille n'avait sûrement qu'une quinzaine d'années, et c'était tout à fait normal qu'elle soit pudique.

/Edit à Volonté/

De l'air. Quand Elizia émergea brusquement, le souffle court, son premier réflexe fut d'inspirer une énorme goulée d'oxygène. Son second de se tourner vers la fille qui, bouche ouverte, semblait être en train de dire quelque chose dont la domestique ne comprit malheureusement que les dernières phrases. Manifestement, elle avait de l'eau dans les oreilles.

- ... Méline Hil'Natane. Je suis une simple élève.

Ce qui ne fut pas pour rassurer la jeune fille. Ainsi, cette jeune femme - Méline, donc - était de sang noble. Gloups. Quant à simple élève... de quoi ? Elle ne lui trouvait pas un physique typiquement guerrier - enfin, sait-on jamais ? Si on procédait par élimination, elle pouvait donc être une Dessinatrice ou une apprentie marchombre, même si elle ne savait pas exactement à quoi cela consistait véritablement. Re-gloups.

Tandis qu'Elizia s'enfonçait dans le bain tiède jusqu'à la poitrine, elle se demanda fugitivement à quelle Maison Méline pouvait bien appartenir. Elle allait lui poser la question lorsque son regard tomba sur la bague sertie d'un minuscule rubis qu'elle venait de passait à son doigt. Ainsi, il s'agissait d'une rouge. Une Kaelem. Elle avait déjà eu l'occasion de mettre de l'ordre dans leur salle commune et avait été immédiatement séduite par cette lumineuse pièce aux ton chauds d'où on avait une vue imprenable sur la Chaîne du Poll. Ebauchant un doux sourire, elle imagina les groupes d'élèves en train de bavarder sur les canapés ocres, échangeant potins et petits tracas. Ils devaient certainement tous se connaître et former une bande complice, unie, dans laquelle ne régnaient ni disputes, ni mensonges ni jalousie. Du moins, c'était l'image qu'elle en avait - celle d'une zone d'échanges, d'ouverture et d'amitié.

- Tu n'as pas à te cacher, tu sais, on est tous fait pareil, je ne moquerais pas de toi, promis.

Par le Héros de la Dame, son trouble était-il donc si visible ? Cependant, ces paroles, loin de la réconforter un tant soit peu, ne firent qu'accroître encore son malaise, et son teint oscillait à présent entre le pivoine et le grenat alors que sa gêne l'étouffait davantage à chaque seconde. Et puis, le problème n'était pas qu'elle se moque d'elle. D'ailleurs, qui sait si elle ne sentirait pas un tout petit peu moins honteuse si elle était recouverte de tentacules verdâtres et de pustules poilues ? ... Enfin, tout bien considéré, peut-être pas.

Résistant à l'envie de replonger la tête dans l'eau, elle commença par laver ses boucles indisciplinées à l'aide d'un gel dont elle se saisit au hasard avant de se frictionner le reste du corps. Qu'elle ne fut pas sa surprise quand la mousse forma soudain de grosses bulles colorées qui s'élevèrent aussitôt au-dessus de la baignoire ! Une fois revenue de son étonnement, et le cerveau plein d'interrogations, elle ne put s'empêcher de s'exclamer :

- Oh, regarde ! Elles sont belles, non ?

Et sans attendre la réponse de la jeune femme - qui était plutôt jolie, d'ailleurs, avec ses grands yeux bruns et sa longue chevelure soyeuse -, elle se mit à courir après les sphères transparentes avec un enthousiasme enfantin, pataugeant, sautillant, riant aux éclats, ainsi qu'une gamine.


(De même pour moi ! ^^)

La scène qui suivit aurait été comique si la gène d' Elizia n'avait pas été aussi palpable.
La jeune fille rousse avait en effet tenté de se laver les cheveux, et , sous l'effet de la tension, elle avait saisit une fiole au hasard avant de s'en déverser le contenu sur le crâne.
Au bout de quelques secondes, le gel eut une réaction surprenante... pour un shampoing, je vous l’accorde, c'est tout à fait normal qu'il y ait un peu de mousse. Mais pas à ce point.

La tête d' Elizia était submergé par une sorte de crème épaisse et savonneuse, d'une surprenante couleur rosée. Et de cette matière particulière s'échappaient de nombreuses bulles aux reflets irisés. Et pas de taille minime. Il devait y en avoir quelques unes aussi grosses que des pastèques.

- Oh, regarde ! Elles sont belles, non ?

Et c'est sur ces paroles que la jeune fille rousse sorti de son bain, et commença à courir après les bulles, oubliant totalement sa nudité.
Méline était à peine habillée, elle portait juste de simples sous-vêtements en coton beige, et le fait d'être nue ne l'avait jamais choqué. Mais elle voulait éviter le moindre désagrément à la jeune fille, et vu le nombre d'habits que ses parents lui avaient livrés, elle se fichait de finir trempée.

-En effet, elles sont vraiment magnifiques.

Et c'était vrai. Les bulles, si on les regardaient bien étaient parsemées de paillettes rosées. Leurs reflets n'arboraient pas les mêmes couleurs que les autres bulles, elles étaient plutôt dans les pastels que dans les couleurs vives. Étrange, ce gel était sans doute fait à l'aide de dessinateurs qui possédaient un don spécial.
Se laissant porter par ses pensées, elle se dirigea vers la baignoire qu'occupait Elizia peu auparavant. Elle saisit le pot et lut l'inscription marquée dessus.

*Bain moussant, ben évidemment...*

La jeune fille devait être vraiment stressée ou bien elle ne savait pas lire. C'est sur le deuxième option que Méline se reporta. Car les domestiques d'une quinzaines d'années savent rarement lire. Cela chagrina la jeune Kaelem. Pour elle, ne pas pouvoir lire vous privait d'une grande partie de savoir, mais aussi du plaisir de pouvoir voir les personnages s'animer au simple contact de votre esprit. De pouvoir leur imaginer un passé, et, à la fin du livre, un avenir. Lire c'est s'envoler. Échapper aux responsabilités le temps d'un ou deux chapitres. Et pour elle, autrefois, c'était une sorte de liberté, une échappatoire, surtout après la mort de son frère. Lorio. Il lui arrivait même parfois d'inventer des histoires où il n'était pas mort. Où ce n'était qu'un mauvais rêve. Mais ces histoires sont des histoires, et c'est bien ça le problème. Mais ce n'était ni le moment ni l'endroit de penser à ça.
Dans un immense effort,Méline parvint à repousser les souvenirs de son enfance dans un recoin de son cerveau, pour se concentrer sur ce qu'elle avait entre les mains.

Un bain moussant ça fait des bulles. Logique, non?
D'un mouvement du poignet elle ouvrit le récipient et constata que la jeune rousse n'avait fait qu'entamer la lotion. Elle eut alors une idée... diabolique .
Pendant que l'autre adolescente en pleine crise courrait après des bulles de savon, elle papillonna autour des nombreuses douches de la salle et leur prit à chacune le mélange mousseux. Environ dix grosses bouteilles.
Elle se dirigea ensuite vers la plus grosse baignoire, et vida toutes les fioles dedans. Une imposante quantité de bain moussant se retrouva dans le fond. Méline sourit. Elle allait s'amuser.
Elle remarqua que l'attention de la domestique s'était de nouveau focalisé sur elle. Tant mieux.
D'un mouvement sec, elle ouvrit le jet de la poire, et le fond de la baignoire s'emplit d'une mousse crémeuse et rose, qui grossissait de plus en plus vite, en laissant échapper des bulles multicolores.
Le liquide montait de plus en plus, il allait bientôt déborder et se retrouver su le carrelage de la salle.

- Ça, c'est un bain de bulle, lança-t-elle à Elizia, les yeux brillants.



/J'avoue je suis partie dans mon délire... j'édite si ça te dérange /

Tout bullait. Et il y en avait partout. Des grosses, des petites, des rondes, des ovales, des rosées, des bleutées. Kaléidoscope de formes, de couleurs, d'odeurs. Parce que ça sentait, aussi. Fort. Des essences fruitées flottaient dans l'air chargé de cocons transparents délicatement irisés de reflets pastels. Cela lui rappelait les fleurs exotiques qu'elle pouvait parfois entrapercevoir lors de ses marches solitaires dans les quartiers chics d'Al-Vor. Oh, elle n'avait pas eu si souvent l'occasion d'aller se promener par là-bas, mais peut-être était-ce une des raisons pour laquelle elle se souvenait de la moindre de ses escapades dans ces parages avec tant de détails et de précision. Elle revoyait les femmes richement vêtues couvertes de bijoux, les hommes élégants et dédaigneux, les chevaux au poil lustré, les demeures spacieuses, les rues vastes et bien éclairées. Un univers à quelques pas de celui où elle vivotait, partagée entre ses lectures et la taverne dans laquelle elle devait malheureusement passer la plupart de son temps. Et en même temps tellement lointain...

Et au milieu de tout ça, il y avait Méline. Méline avec son regard qui brillait et son sourire malicieux. Méline qui avait versé une à une chacune des lotions mousseuses contenues dans toutes les fioles de la salle des eaux. Méline qui riait, à son tour, avec l'air de s'amuser follement à voir les baignoires se remplir de gel et de liquide multicolore. Méline. Elizia ignorait si ce qu'elle faisait était autorisé - ou, plutôt, ne voulait pas le savoir. Mais, en tout cas, tout cela semblait divertissant à souhait. C'était du moins ce qu'elle pensait jusqu'à ce qu'elle sente l'eau lui chatouiller les orteils. Les douches débordaient.

Son premier réflexe fut l'incrédulité, puis la panique. Se tournant en direction de la Kaelem - ben oui, après tout, c'était quand même elle qui avait déclenché l’inondation -, elle ne fut que très moyennement rassurée de constater que celle-ci ne paraissait pas spécialement inquiète. Et puis, elle redressa la tête et affirma d'une voix claire avec des étoiles à la place des yeux :

- Ca, c'est un bain de bulles.

Elizia acquiesça en silence, troublée. Elle ne pouvait détacher son attention du bain qui montait, montait, montait, doucement, progressivement, lentement - et pourtant atrocement vite à son goût. Et le pire, c'est qu'elle ne savait même pas comment arrêter les dégâts.

Enfin, si, elle le savait. Il lui suffisait de fermer le robinet, et le volume de l'eau cesserait aussitôt de croître. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire. Il fallait en effet pour cela se diriger vers l'extrémité de la baignoire, traverser les centaines de bulles qui s'y pressaient, descendre dans la mixture au moins jusqu'aux genoux et, pour finir, couper le jet en espérant qu'il n'y ait pas de crocodile qui y ait élu auparavant domicile. Un vrai parcours du combattant.

Et pourtant, elle se sacrifia, courageusement. Crevant les bulles sans leur prêter la moindre attention, dérapant sur le carrelage mouillé, se rattrapant de justesse à un coin de mur, elle réussit à s'assoir sur le rebord de la baignoire et à poser un pied incertain tout au fond de l'eau crémeuse. Indécise, elle observa successivement pendant plusieurs secondes le visage de Méline dont elle ne parvint pas à déchiffrer l'expression et le robinet dont se déversait le liquide bouillant. Le sol était à présent complètement inondé. Prenant alors sa décision, elle se jeta en avant afin de refermer le jet. Peine perdue. Avec une anxiété proche de l'angoisse véritable, elle fit une nouvelle tentative tandis que les bulles s'amoncelaient autour de son corps. En vain. Paniquée, Elizia se hissa hors de la baignoire pour se précipiter vers la jeune femme dont elle n'apercevait plus que la silhouette indistincte, glissant et trébuchant, manquant une dizaine de fois de plonger tête la première dans le bain moussant. Lorsqu'elle fut parvenue à sa hauteur, l'eau lui recouvrait les pieds.

- Méline, haleta-t-elle péniblement. Je... je crois que le robinet est coincé !

Elle eut tout juste le temps de poser une main fébrile sur son tatouage avant de s'enfoncer dans les ténèbres.


[Pour la suite, tu as le choix : Elizia peut être finalement tombée dans la baignoire, ou avoir trébuché sur le sol et s’assommer, ou encore s'être évanouie à cause de toutes ces émotions ... ou bien totalement autre chose !! Édition possible, of course...]

La douce folie dans laquelle régnait Méline était surement due à la fatigue accumulée tout au long de la journée.
C'était un état second dans lequel tout était doux et mouillé, tout était rond et léger.
Comme une drogue, mais avec de nombreux inconvénients en moins.
Dans l'esprit de Méline, tout se passait au ralenti. Elle aperçu l'eau du bain déborder,le liquide chaud franchir les rebords courbés de sa cage blanche. Elle le vit se déverser sur le carrelage blanc au motifs discrets. Elle le senti lui lécher les pieds en les recouvrants d'une mousse légère.

Sans sortir de sa langoureuse torpeur, elle remarqua que la jeune domestique à côté d'elle était beaucoup moins détendue. Son visage enfantin était crispé par l'angoisse, et elle tentait désespérément de traverser l'espace multicolore et sphérique qui la séparait de la baignoire surplombée de mousse. Un instant, elle la vit hésiter puis Elizia se dirigea vers son objectif, ravageant sur son passage, la beauté éphémère du spectacle qui avait régné dans la salle des eaux. Chaque pas faisait mourir des milliers de petites enveloppes savonneuse dans un bruit humide.

La jeune fille parvint enfin à se hisser sur les rebords de la baignoire, les mains crispées, elle passa une jambe à l'intérieur, puis l'autre, et se retrouva assise, trempée de haut en bas.

Dans un élan désespéré, elle tenta de refermer le jet puissant qui sortait du robinet aux couleurs dorées surplombant le bain. Elle mit la main sur le bouton, tourna, mais sans aucun changement visible. Son visage n'affichait plus de la peur. Il affichait de la terreur. Certainement celle d'être renvoyé, la jeune fille n'avait peut-être pas une famille riche comme celle de Méline, peut-être même n'avait elle pas de famille du tout, et être renvoyée de l'Académie était pire que tout dans ces conditions là.
Les idées de la jeune Kealem se remirent peu à peu en place, et elle réussi même à comprendre la phrase qu' Elizia, ayant abandonné son obsession d’empêcher le robinet de cracher continuellement un torrent d'eau, tentait de lui faire entendre par dessus le glougloutement de fond.

- Méline, je... je crois que le robinet est coincé !

Zut! Il ne manquait plus que ça. La jeune fille pataugeait dans l'eau jusqu'aux chevilles et ses cheveux mouillés avaient pris une couleur brune qui faisait encore plus ressortir la pâleur de son visage. Non, la verdeur de son visage.

Plaf! C'est le bruit exacte que fit la chute d'Elizia sur le sol plus que trempé.
Plaf! Des gerbes de liquide multicolore s'enfuirent de part et d'autre du corps frêle de la jeune fille.
Plaf! Il ne suffit que de ce bruit pour sortir Méline de son envoutement êtrange, et le monde se mit à fonctionner de nouveau à une vitesse normale.

S'ébrouant vivement, l'apprentie marchombre se dirigea vers le corps inerte d'Elizia. Elle avait la tête sous l'eau et il fallait éviter qu'elle se noie. Sortant le visage de la fillette -car aux yeux de Méline s'en était une-, elle lui appuya plusieurs fois sur le thorax pour en faire sortit l'eau. Cela fonctionna plutôt bien, et Elizia recommença à inspirer et à expirer d'un manière correcte. Ce n'était plus qu'une affaire de temps, elle se réveillerai bientôt. Se penchant pour l'adosser à un mur, elle remarqua un délicat tatouage sur l'épaule gauche. Un tatouage en étoile.

Mais elle avait plus important à faire que de s'occuper d'un tatouage, surement une folie née de l'esprit adolescent de la jeune fille. Pour l'instant, l'eau vaporeuse tellement elle était chaude s'échappait encore de la baignoire pleine.
Mais je suis vraiment idiote des fois, d'où me vient des idées pareilles... Ah, oui, d'Elizia, et puis je pouvais pas deviner que le bouton ne fonctionnerait plus.

Avançant du mieux qu'elle pouvait à travers mousse, eau et bulles, Méline parvint à la fameuse baignoire. Elle se pencha en avant, saisit le petit objet en forme de croix qui se situait sous le robinet et tourna. Elle y parvint sans aucune difficulté et l'eau cessa de couler, plongeant la salle dans un silence ponctué uniquement par les respirations difficiles des deux jeunes filles qui s'y trouvaient.

Pfff... cette idiote à du tourner le bouton dans le mauvais sens.

Revenant vers la jeune fille qui s'était réveillé depuis peu, à en voir son visage ahuri, elle lui lanca une serviette, histoire qu'elle puisse se cacher -bah oui quoi, ça faisait des heures qu'elle était à poil, malgré sa soi-disant pudeur- et lui souri de la manière la plus rassurante qu'elle pouvait.

- C'est bon, le problème est réglé. et pour les dégâts, ne t'inquiète pas, mes parents pourront tout arranger.

Passant une main dans ses cheveux humides, elle questionna Elizia à propos du tatouage sur son épaule.

- J'aime bien le motif, dit-elle en désignant ce dernier de la pointe du menton. Tu l'a fait faire où?

Question anodine, juste pour détendre l’atmosphère tendue qui régnait, malgré que presque tout fut à nouveau en place.

[J'ai été longue à répondre. Excuse moi Edit à volonté! ]

Si Elizia avait pu pleurer, elle aurait sans conteste éclaté en sanglot. Mais, allez savoir pourquoi - peut-être parce que l'eau était déjà on ne peut plus présente dans cet espace qui lui paraissait à présent aussi confiné et étriqué qu'un mouchoir de poche, ou bien parce qu'elle avait déjà épuisé toute sa réserve de larmes dans sa dangereuse ascension de la pièce qui portait son nom à merveille -, son visage resta sec ou, du moins, aussi sec que l'on peut demeurer lorsque l'on vient de manquer se noyer dans une baignoire. Et, bien que le ridicule ne tue pas, comme elle venait d'en faire l'expérience, elle n'en était pas moins mortifiée.

C'est alors que tout s'arrêta. Le liquide cessa soudain de monter, les bulles de s'élever dans l'air lourd d'humidité chargé de fragrances fleuries et savonneuses. Méline avait réussi à refermer le robinet, plongeant du même coup la salle des eaux dans un silence presque irréel. La jeune fille resta encore quelques instants le regard fixé sur le mur opposé avant de se détourner, lançant au passage à Elizia une serviette cotonneuse dont elle s'enveloppa avec gratitude en claquant légèrement des dents.

- C'est bon, le problème est réglé, déclara-t-elle tout en reprenant tranquillement sa place, se déplaçant avec précaution sur le sol encore trempé afin de ne pas glisser. Et pour les dégâts, ne t'inquiète pas, mes parents pourront tout arranger.

Phrase qui laissa à la jeune domestique un sentiment plutôt mêlé. Certes, elle était soulagée que cette mésaventure se soit terminée d'aussi bonne manière et que son amie possède une famille assez influente pour arranger la situation si le besoin se trouvait. Mais ce qu'elles avaient fait était-il donc à ce point repérable pour que la jeune femme se permette de l'évoquer ? Et ces "dégâts", pour reprendre ses termes, était-ils tant problématiques ?

Elle s'ébroua discrètement tandis qu'Elizia, toujours enroulée dans sa serviette, commençait à se sécher lentement, encore un peu choquée par cet incident. Si Méline ne l'avait pas tirée de l'eau, comme elle l'avait supposé en rouvrant les yeux adossée à un mur aussi mouillé qu'elle, aurait-elle pu mourir ? Et, dans ce cas, ne lui était-elle pas redevable à vie ? Elle releva la tête au moment où la Kaelem s'approchait d'elle, les yeux fixés sur son épaule recouverte par le linge de bain.

- J'aime bien le motif. Un sourire. Tu l'as fait faire où ?

La jeune fille tressaillit, partagée entre l'hésitation et une émotion plus sourde, difficilement identifiable. Parlait-elle de son tatouage ?

- Je...

Elle frissonna à nouveau sans savoir si ce frémissement était dû à la fraîcheur ambiante à présent que le bain refroidissait ou à cet "autre-chose" qui l'effrayait et l'attirait tout autant.

- Ce n'est pas moi qui l'ai fait faire, se décida-t-elle finalement. En fait, je l'ai depuis que je suis toute petite. Quand mes parents... Elle s'interrompit puis secoua fermement la tête. Non, ce ne sont pas mes parents. Disons mes parents adoptifs. Lorsqu'ils m'ont trouvée - j'étais encore bébé -, il était déjà là. Enfin, je suppose. Je ne leur ai jamais demandé. Mais, d'aussi loin que mes souvenirs remontent, je me rappelle l'avoir toujours eu. Toujours.

Son regard, rêveur, se posa sur le visage attentif de Méline. Elle esquissa un petit sourire d'où surgit l'ombre d'une timidité à laquelle elle n'avait pas tout à fait renoncé, à la fois excuse et explication.

- En tout cas, je suis contente qu'il te plaise. Tu aimes les étoiles ?

Là-dessus, elle s'assit calmement sur le carrelage ruisselant, en tailleur, bras croisé sur la poitrine et autour de la taille, avec toujours sur ses lèvres la fine ébauche de son sourire confiant.


[Tu es pardonnée ! De toute manière, je vais aussi être absente pendant plusieurs semaines, alors prends tout ton temps pour répondre !!]

Oups, elle avait fait une gaffe, ça lui apprendra à vouloir taquiner les gens comme ça, à vouloir fouiller partout. Ce n'était pas digne d'une grande demoiselle ça. Non mais !
Le tatouage d'encre noir à l'épaule de la jeune fille ressortait sur la peau pâle de son épaule. Non, ce n'était pas un pari, ou une rébellion adolescente contre ses parents. C'était même tout le contraire, c'était un souvenir d'eux, un signe qui avait peut-être une signification particulière pour Elizia. Méline se maudit intérieurement.

*Mais quel tact, on dirait les manières d'une fermière*

La domestique semblait gênée, malgré le léger sourire qui lui étirait les lèvres. Surement une façade pour dissimuler son malaise.
Méline tenta de remédier à la situation.

- Oui, j'aime bien les étoiles. Toutes sortes d'étoiles, et celle-çi est très belle.

Elle aimait toutes les étoiles c'est vrai, les étoiles, c'est le ciel, le ciel, la liberté. Enfin, d'une certaine manière.
Elle aimait les étoiles qui brillent dans les yeux des enfants, quand ils voient un acrobate faire le clown.
Et elle aimaient aussi les étoiles d'encre.
Même si leur éclat était moindre.

L'eau s'était presque entièrement écoulée, et il ne restait sur le carrelage que quelques millimètres de liquide glacé.
Finalement, il n'y avait pas de risque pour que quelqu'un remarque le chahut qui avait régné dans la salle de bain. Sauf peut-être que toutes les bouteilles de bain moussant étaient vides.

- C'est pas trop grave en fait, je pense que personne ne vas remarquer ce qui c'est passé.

Elle laissa un sourire amicale se dessiner sur ses lèvres.

/Pas très long, je pense finir dans mon prochain post, à moins que tu veuilles le faire /

Sa réponse rassura Elizia et, en même temps, ne la surprit pas véritablement. Qui n'aime pas les étoiles ? Elle observa un long moment ses pieds à la peau fripée par l'eau, yeux baissés, avant de relever le visage pour offrir un sourire timide à Méline. Décidément, cette jeune fille lui plaisait. Vraiment. Elle laissa son ébauche de sourire s'éteindre d'elle-même sur ses lèvres avant d'incliner légèrement la tête tandis que la Kaelem continuait doucement :

- C'est pas trop grave en fait, je pense que personne ne va remarquer ce qui s'est passé.

Reconnaissante, la rouquine saisit délicatement, du bout des doigts, l'extrémité de sa serviette qu'elle attacha autour de la taille, puis se baissa afin de ramasser un flacon vide qui reposait devant elle.

- Bain moussant, chuchota-t-elle. Puis, se tournant vers la jeune femme : Tu ne crois pas qu'on devrait les remplacer ? Je pense savoir...

Elle s'interrompit une fraction de seconde.

- Je pense savoir où se trouve la réserve. Après m'être rhabillée, je pourrai aller chercher d'autres bouteilles.

Ce faisant, elle commençait à se diriger vers les vestiaires, et sa nouvelle amie lui emboîta le pas. La domestique resta muette durant leur court trajet et, comme Méline ne tentait pas de combler le silence, aucune d'entre elles ne parla durant quelques furtives minutes. Mais cela n'était ni désagréable ni oppressant. Juste... normal, et Elizia se sentait tout à fait à l'aise lorsqu'elles atteignirent l'endroit où elles avaient laissé leurs vêtements. Alors qu'elle s'apprêtait à attraper sa tunique, celle-ci se tourna soudain, vivement, pour planter ses iris marron-ambré dans les prunelles chaleureuses de sa compagne. Fugitivement, elle songea à la remercier, mais ce furent d'autres mots qui surgirent de sa bouche :

- Tu es une marchombre, n'est-ce pas ? Une apprentie marchombre.

Elle ne savait pas exactement comment elle en était arrivée à cette conclusion. Elle avait déjà croisé un Dessinateur en la personne d'Attalys et, si son charisme lumineux était proche de l'aura de compréhension et de gentillesse que dégageait Méline, elle était convaincue que cette jeune noble n'avait aucun don pour le Dessin. Peut-être était-ce tout simplement qu'à force de côtoyer ces élèves, elle avait appris à les reconnaître et à les jauger d'un unique coup d'oeil. La formation de guerrière pour son amie lui semblait tout aussi inadaptée. La jugeait-elle un peu trop ronde, la sentait-elle un peu trop tendre ? Quoi qu'il en soit, cette phrase lui était venue à l'esprit ainsi qu'un éclair, et elle n'avait pas cherché à l'écarter. Fluidité des gestes, harmonie des mouvements, assurance des pas, précision des déplacements. Un sourire fugace éclaira son visage. Marchombre.


(Je te laisse l'honneur de clôturer ce RP. En tout cas, merci pour tous ces posts !)

- Tu es une marchombre, n'est-ce pas ? Une apprentie marchombre.

La question était réelle, et n'avait pas été posée pour combler le silence qui régnait (silence très reposant, au passage).
Pourquoi se cacher. Elle était en effet une marchombre. Apprentie, oui, mais marchombre. Et cela la comblait de joie.

Le silence reprit ses droit, Méline hocha la tête, et ses cheveux mouillés laissèrent tomber sur le sol des goûtes d'eau fraîche. Elizia était douée pour percer les gens, pour savoir ce qu'ils sont. Réellement. Et la Kaelem espérait s'en être fait une amie. La première depuis longtemps. Depuis la mort de Lorio.
Elle se rentit compte qu'elle ne savait rien de Lya, excepté l'histoire du tatouage, et que la domestique ne savait rien d'elle. Elle lui avait sauvé la vie mais ne la connaissait pas. Il fallait remédier à cette déplaisante chose le plus tôt possible, et Méline se promit de laisser des mots sur sa table de chevet à l'attention de Lya. Et des muffins aussi.
Peut-être même qu'un jour elles pourraient aller acheter des robes ensembles en ville.
Se laissant bercer par des projets, elle se sécha et attacha ses boucles en un chignon élevé et fait à la va-vite.
Elles sortirent de la salle, habillées et propres, exaltant un parfum de rose et de lilas, d'orchidée.
Bain moussant.

Il avait du s'écouler une heure environ, depuis qu'elle était arrivée, et la fatigue commençait à la gagner.
Elle décida toute fois de passer par la cuisine pour dérober une ou deux tablettes de chocolat, toujours accompagnée d'Elizia qui se dirigeait, elle, vers la réserve de l'Académie.
Elle lui offrit quelques carrés, et, tandis qu'elle se séparaient, lui glissa à l'oreille.

- Et lis si y a à lire une étiquette, la prochaine fois, avant d'utiliser un flacon au hasard. Mais j'avoue avoir un peu dérapé

Elle la salua, croquant dans le chocolat noir au gout si sucré qu'elle adorait.

- A bientôt j’espère !

Elle s'en alla dans les couloirs, trottinant et sautillant. Un sourire aux lèvres. Au programme, de nombreuses heures de lecture, au coin du feu, une séance de gestuelle marchombre, et un peu de course à pied ce soir, après manger, si elle s'en sentait le courage.

[Un tout petit peu court, je sais.... pardon ]