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 Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]

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Anaïel
Anaïel

Marchombre
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http://voleusedencre.skyblog.com
MessageSujet: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeMar 1 Déc 2009 - 11:26

Elle courut deux jours entiers.




Pantelante, les yeux roulant dans leur orbite, les gestes saccadés bien loin de leur fluidité habituelle, et les pensées plus incohérentes qu'une horde de tigres enragés, elle s'était trainée malgré tout relativement silencieusement à travers le parc, évitant miraculeusement les gardes en factions dont l'ouïe ne devait pas être bien affutée. Direction : l'ailleurs. Son entretien tumultueux avec Elera la laissait vidée, épuisée, physiquement mais surtout mentalement. Une boule dans la gorge, au creux du ventre et les yeux qui brûlait d'un désir dont elle ne percevait qu'une saveur absconse, et son corps qui semblait flotter, dissocié de son esprit par cette muraille cellulaire, tissulaire, musculaire, et ces yeux qui ne se focalisaient plus, et ces jambes flageolantes, ces idées embrouillées, et ces mots qu'elle n'arrivait pas à prononcer, ne serait-ce qu'en pensées... Son état préoccupant cependant, la jeune femme ne s'en souciait pas, sans doute à cause du fait que l'incohérence, maîtresse insidieuse, filait ses membres et sa tête, tissant ses actes à la seconde future telle un maître marionnettiste. Elle avait soigné un humain. Cette pensée, affreuse et pourtant si belle produisait un cocktail qui incendiait son corps, chavirant ses racines, toutes ces murailles qu'elle avait érigé contre ce qu'elle était, sans épargner la moindre souffrance à prodiguer. Elle avait soigné Elera, elle allait enseigner son rêve, elle allait côtoyer des humains, elle allait vivre à nouveau entre 4 murs, elle allait blesser, tuer....


Non.

Le parc avait fait place à un chemin accidenté, la rocaille roulant sous ses pas approximatifs, alors que laborieusement elle mettait un pieds devant l'autre, les yeux rivés sur ses pensées, totalement dissociée du monde extérieur par la barrière de ses idées.

Non.


Une promesse. Elle avait fait une promesse. Elle devait aider... aider Elera... l'aider à la reconquérir cette... liberté... Une promesse... Celle d'enseigner... De surmonter son... corps, esprit... Elle secoua violemment la tête, faisant craquer les fragiles os de sa nuque, la déflagration brisant le silence poisseux qui comprimait son oxygène, ses pensées, ses membres et ses mouvements. Un éclair de lucidité acide la traversa, et le temps d'un instant elle vit clairement sa position, perdue, sur ce sol rocailleux, à la merci du moindre prédateur, du moindre tueur, perdue jusqu'au tréfonds de son âme par cette bête qui l'entravait plus surement que des chaines d'argent, des chaines forgées par la brutalité de la nature et par son monstrueux besoin de vengeance. Ballotée, la jeune femme ne pouvait que fermer les yeux, luttant en vain contre la nausée qui lui comprimait l'estomac, de brusques et incontrôlables sursauts la secouant sporadiquement, elle subissait le contrecoup de cette soirée si riche, overdosée de sensations, de remise en question, et de chemins tous tracés, elle ne pouvait rien faire, rien, à part crisper ses muscles, pour s'empêcher de chuter à terre. Ce fut sa propre faiblesse qui la fit reprendre ses esprits. Elle ouvrit les yeux, flamboyants d'une volonté plus farouche que qu'un ouragan de feu. Si, elle pouvait faire quelque chose. Avant que la crise ne reprenne, avant même qu'elle n'ai décidé quoi que se soit, ses jambes se mirent en action et elle s'élança à travers la brume de ses prunelles voilées. Un muscle, puis deux, puis tous se mirent à fonctionner et, à défaut d'être lucide, la jeune femme se concentra sur l'action de son corps sous sa poussée, contraignant ses membres à aller, encore et encore, plus vite, de plus en plus vite. Son état de marchombre, sa musculature fine et puissante, son corps charpenté pour l'endurance et la vivacité, autant de détails qui lui firent mettre du temps avant d'être ne serait-ce qu'essouflée. Entre temps la lutte continuait. Puis peu à peu, à mesure que sa voute plantaire fouettait le sol plus rapidement, la sueur commençant à poisser son front, ses bras et son dos, alors sa respiration commença à devenir sifflante, ses muscles à tirer. Enfin. Anaïel ferma les yeux.

Se laissant guider par ses 4 autres sens plus cet instinct naturelle qu'elle avait du monde, elle courrait à travers plaines et forêt, ses paupières brisant l'enfer flamboyant de son regard, le souffle de l'air noyant l'atmosphère saturée par ses divagations acides, et son esprit, peu à peu, pris des formes nouvelles. Les questions, unes à unes, puis toutes en même temps, reprirent le pas sur ses sensations pures, et Anaïel manqua une foulée. Serra les dents. Une flèche de volonté pure brûla son esprit. Et malgré la tâche qui semblait impossible de part le surnombre de ses pensées, elle entreprit de réfléchir à chaque problème un à un afin de le classer pour laisser place au suivant. Elle n'agissait que très peu souvent après avoir réfléchis longuement, préférant l'instinct et la pureté de ses sensations, aussi cet effort cérébral auquel elle se livrait lui était quelque peu étranger, ce qui le rendait d'autant plus difficile. Mais il était temps de faire un tri dans ce monstrueux charivari.

Elle continua à courir.




Le soleil déclinait, embrasant le ciel d'un panaché flamboyant et écarlate, comme si le sang du monde se déversait en torrent farouche dans ces veines constituées de nuages et de vent. Éclaboussant la cime des arbres d'une auréole aniline, les rayons raillaient la nuit de toute leur force avant de se laisser entrainer par l'obscurité qui commençait déjà à serpenter entre les troncs des végétaux. Mais ce spectacle vespéral, Anaïel ne le voyait pas, ses paupières toujours étroitement closes. Jamais elle n'avait autant solliciter ses muscles, son corps, avec une telle intensité. Le rythme qu'elle avait soutenu durant 48h était celui qu'elle réservait en général pour un sprint peu rapide, mais un sprint quand même. Son record avait été de conserver sa vitesse pendant une heure, avant de s'écrouler face contre terre, ses jambes ne la portant plus. Pourtant, ce soir la, elle continuait à courir, animée d'une rage qu'elle n'avait jamais possédé, qui la possédait maintenant à son tours, alors qu'elle luttait, sans fin, contre ses démons intérieurs. Cela faisait maintenant 48h que sans relâche, les questions et les doutes attaquait son esprit, plus corrosifs que le plus concentré des vitriols. Elle n'en voyait plus la fin, une transe poisseuse et bienfaitrice s'étant emparée provisoirement de ses facultés, mais la lucidité toujours présente lui faisait paradoxalement ressentir avec encore plus d'acuité ses membres qui l'appelaient à l'aide, qui souhaitaient se reposer afin de ne pas céder. Et elle continuait, la haine au ventre, les nerfs à vif. La jeune femme avait depuis une bonne dizaine d'heures déjà arrêté de penser à la fin de son purgatoire, lorsqu'enfin le vide se crérait et que cesseraient ses souffrances, pour la simple raison que penser à sa délivrance ne faisait que lui faire ressentir plus douloureusement sa condition actuelle. De plus, cette étape cruxiale de sa vie elle devait la faire avec un zèle qui ne laissait pas place au réconfort, et devait se faire alors qu'elle possédait toutes ses capacités, sans que l'une ou l'autre de ses pensées soit tournée vers la fin avant que celle-ci n'approche. Une question après l'autre, un doute avant l'autre, et l'engrenage infernal n'en finissait plus de ravager sa conscience, elle ne savait pas où elle allait, s'obligeait à continuer, coute que coute, sans la moindre garantie que cela ne la ferait pas sombrer dans la folie. Elle avançait à l'aveuglette.

Elle n'y croyait plus quand soudain, au détour d'un rocher recouvert d'une tendre mousse viride, un grand vide la frappa plus brutalement encore qu'un animal lancé à pleine vitesse. Sous la surprise, la jeune femme pila net, stoppant sa course sans pour autant ouvrir les yeux. Puis ses jambes flageolèrent, prisent de violentes convulsions de fatigues, et elle s'écroula, face contre terre, le visage baigné d'herbe, de sueur, de sang suintant de ses diverses égratignures, et d'acide coulant d'écorchures bien plus discrètes, celles qu'il y avait sous sa peau, au creux de ses pensées. La terre tanguait, faisant virevolter des lucioles étincelantes derrière ses paupières crispées, ses doigts se firent griffes, alors qu'elle tentait vainement de s'accrocher au sol pour ne pas sombrer dans ce gouffre béant qui s'ouvrait compulsivement autour d'elle. Les muscles tétanisés, une grimace de torture sur son visage maculé, elle resta ainsi, transi de peur et de fatigue, et s'obligea à adopter une respiration plus ample, gonflant ses poumons et détendant progressivement ses muscles.


Et bien, elle avait vraiment forcer son corps dans ses plus obscurs retranchement ! Sous la faiblesse qui la tenaillait à présent, elle éprouva néanmoins une certaine fierté de son exploit sportif. Et enfin elle s'attarda sur ce qui l'avait fait trébuché. Sa tête était vide. Aucune question, aucun doute, aucune pensée qu'elle qu'elle soit ne venait parasiter l'incroyable sérénité qui baignait sa tête, qui baignait son âme toute entière. Sans précipitation, elle entreprit de se relever, d'abord à quatre patte, le sol étant plus houleux qu'un torrent tumultueux. Ses genoux écorchés rapèrent contre quelques caillasses acérées et la douleur vive l'aida quelque peu à repprendre ses esprits. Puis elle se mit debout, comptant sur son équilibre pour la maintenir, mais cela ne suffit pas. Elle retomba lourdement sur le sol, s'assit finalement et remonta ses genoux contre sa poitrine pour poser son menton sur ses genoux. Et elle s'appliqua à respirer le plus régulièrement possible. Lorsque ses spasmes furent calmés, elle refit une tentative pour se relever et y parvint cette fois. Elle ne voulait pas rester immobile après un effort aussi intense, les courbatures marbrant déjà ses muscles les plus sollicités. Debout, immobile, elle se mit à enchainer mouvements fluides et saccades personnelles afin de faire une gestuelle libératrice. Celle-ci se composait de mouvements appris lors de son entrainement marchombre , mais également de ses expériences personnelles, le tout formant une danse complexe où se côtoyaient en amies de toujours fluidité, vivacité et saccades contrôlées. Cette gestuelle elle l'avait appelé avec amusement la marchonaïel.
Harmonie personnelle.




Son esprit vagabonda. Et finalement, c'est une bise nouvelle, un zéphyr étonnant qui venait balayé son cheminement mental, tel le froissement d'aile issu du vol de l'aigle royal survollant son territoire, un territoire acquis par une lutte incessante, un territoire qu'il connaissait mieux que quiconque. Ainsi était son monde intérieur à présent, et cela la faisait doucement sourire. Un sourire empreint d'harmonie, de bonheur et de sérénité. Les souffrances qu'elle avait traversé n'étaient finalement rien comparée à la réussite due à son acharnement. Marchombre. Plus que jamais. Son univers était constitué de vent, de ciel, d'obscurité, de flammes, celles de son regard comme celles hantant ses cellules, c'était un monde de feu et de douceur, de violence et de rêve, de carnage, de haine, mais aussi de lutte, de courage et de volonté pure traversant les douleurs comme une pointe d'acier pénètre la peau, les chairs. Elle découvrait à présent toutes les failles de ce qu'elle avait considéré comme acquis, le manque d'harmonie qui n'avait pas aussi bien lié son existence qu'elle l'avait cru, maintenant ses rêves en place par la seule force de sa volonté, elle en déstabilisait néanmoins l'ensemble, et c'est de cette démarche vacillante qu'elle avait avancé, s'appuyant gauchement sur ce qu'elle croyait savoir, sur ses certitudes et ses illusions qui, bien que d'un bien fondée ne serait-ce que partiellement, n'en était pas moins d'une affreuse bancalité. A présent, l'ordre régnait, enfin, l'ordre, plutôt l'absence de désordre, ce qui était complètement différent. Elle associait son monde intérieur, son esprit, à un paysage, un paysage composé de végétaux, d'arbres, de plantes, de fleurs, de lierre suceur de sève et de vie comme l'érable donneur de sirop ou le chêne centenaire, d'animaux, des siffleurs, des tigres, des insectes, et surtout, des oiseaux. Et pour ces oiseaux il fallait un ciel si vaste que le regard ne puisse en embrasser la totalité, un ciel immense ou chacun aurait la place de voler, de pirouetter, d'apprendre aussi. Des nuages, du vent, des rochers aussi, quelques montagnes qui subsistaient, ces certitudes, celles qu'elle n'avait pas du déplacer en profondeur. Son inconscience, ses sautes d'humeurs, ses expériences, toutes ces marques d'inconstances étaient représentées par les animaux en général. Une vie plutôt brève, et une harmonie complète entre tel ou tel choix, une régulation des besoins constante, ainsi le siffleur-que-vais-je-faire-demain se faisait plus souvent manger par le tigre-je-fais-ce-que-je-veux-maintenant que l'inverse. Mais évidemment, chacun mourrait un jour, et c'était aux insectes-il-s'est-passé-quelque-chose et aux charognard-que-faire qui prenaient alors le relai. Tout était une question d'équilibre. Et par dessus tout ce monde, toute cette faune et flore entachée des pourpres et anilines de levers de soleil, il y avait un autre ciel, plus grand, plus bleu, plus glacial, le ciel de son aigle intérieur, majestueux, qui la symbolisait elle, survolant son territoire acquis de haute lutte. Le sien, son monde. Chaque zone lui était connu, chaque recoin avait sa propre importance pour l'équilibre intégral. Oh, elle n'avait pas éradiqué ce pourquoi elle s'était battue, non, mais maintenant, et c'était une victoire dont elle était fière, elle savait précisément où se trouvaient ses ombres, ses serpents d'obscurités, représentés par des grottes au souffle putride disséminées à travers son empire, quelque part à la base des montagnes, à la base de ses certitudes.




Anaïel ouvrit les yeux. Le ciel s'y engouffra avec une violence qui lui dit mal au crane immédiatement, mais la fulgurance de cette douleur n'était que le reflet de son bonheur et de la lucidité qui désormais l'habitait. Elle était Anaïel, elle était marchombre. Ses prunelles de flammes flamboyèrent dans l'air matinal, noyant les derniers lambeaux d'obscurité dans leurs méandres infernaux, aniline, sanguin, pourpre, mordoré, azurin... Tant de couleurs différentes qui incarnaient en profondeur ce qu'elle était, l'entité qu'elle portait en son sein. D'elles même ses paumes se tournèrent vers le ciel, loin au dessus de sa tête alors que son visage se renversait en arrière et qu'elle y noya son regard. Une mélopée puissante, riche et envoutante, aérienne et acide, glaciale, douce et surtout unique envahit l'atmosphère, la mélodie du vent, la musique du ciel. Au milieu d'un tourbillon d'arpèges colorés, la marchombre s'oubliait, le temps d'un battement de cœur qui lui paru infini. Puis ses bras retombèrent, elle fit volte face et s'élança à travers le paysage, un sourire carnassier de bonheur sur le visage.
Droit vers l'Académie.




En chemin elle attrapa quelques animaux, des espèces de petits mammifères à grande oreille, qu'elle mangea sans même s'arrêter. Elle était une prédatrice et elle avait besoin de viande. Aucune de ses foulées ne faisait le moindre bruit et le vent s'engouffrait avec bonheur dans la moindre de ses mèches. Heureuse, elle faisait jouer ses muscles sans l'horreur qui les mouvait quelques heures avant. Il ne lui en fallut pas plus de 4 pour apercevoir au loin l'imposant édifice. Elle était pratiquement toujours arrivée de nuit, en pleine journée, éclaboussée par les rayons ardents du soleil, l'Académie n'était plus aussi austère, imposante, mais gagnait en sérénité et en ouverture. Ce n'était plus le bâtiment fermé aux mercenaires, voleurs ou animaux sauvages, c'était un lieu d'apprentissage et de nouvelle vie qui commençait. Mais le voile sombre qui stagnait en profondeur des murs de pierres, comme un étrange et vicieux parasite, elle ne l'avait pas imaginé et elle le ressentait toujours, surtout après les révélations d'Elera. Son sourire disparu et elle adopta une attitude neutre, afin de ne pas éveiller les soupçons. Elle s'engageait à présent dans une situation qui n'aurait pas d'autres issu que sa victoire ou sa mort. Ce choix la laissait indifférente face à la promesse qu'elle avait faite et l'envie de sauver Elera, mais elle nouait quand même légèrement son estomac alors qu'elle réfléchissait à ce qu'elle devait faire/ne pas faire.





Deux gardes étaient postés de part et d'autre du grand portail, la mine lugubre et la silhouette agressive. Elle s'approcha doucement, les paumes tournées vers eux, le visage recouvert de sa capuche, faisant de grandes enjambées qu'elle voulait maladroites pour ne pas les effrayer par son statut de marchombre. La tension nichait ses muscles comme un fil de plomb lui parcourant les veines. Comment allaient-ils réagir ? Mais plus important, comment allait-elle réagir ?  Elle continua à avancer. Ce n'est qu'une fois près d'eaux qu'elle s'autorisa un lumineux sourire, bien qu'invisible. Une pointe de rage tiraillait son ventre, et ses mains la picotaient un peu, mais ce n'était rien d'important comparé aux crises qu'elle avait subit. Seule restait la répugnance de ces deux chiens qui n'avaient rien de mieux à faire que de rester plantés là à regarder le paysage et de temps en temps à chercher des noises aux inconnus. Le plus petit des deux (un peu moins de deux mètres) lui adressa la parole d'une voie glaciale et agressive. Elle entrepris de répondre d'un timbre qu'elle voulait normal, mais son sifflement ne facilitait pas les choses. Croyant qu'elle se moquait de lui, l'homme brandit son pique devant lui, menaçant et prêt à s'en servir. Anaïel fronça les sourcils, elle ne savait décidément pas s'y prendre et apparemment, malgré sa silhouette menue, il la trouvait dangereuse. Ou alors il voulait simplement s'amuser. Et bien. Il allait être servit. Teston l'efficacité (du nouveau gel vivel dop fixation extrème) de son chant et de sa capacité à ouvrir l'âme des plus grosses brutes. Une mélopée silencieuse et pourtant vivace s'échappa de sa bouche, modulée par ses lèvres en un chant que les deux gardes ne purent entendre qu'une fois qu'il fut trop tard. Cela n'aurait pu marcher sur des personnes trop intelligentes, mais cela c'était ses propres spéculations. Les deux hommes ne firent pas mine de bouger, leurs yeux cachés par leur lourd casque de combat. Un sourire aux lèvres, la marchombre passa entre eux sans un bruit. Tel un courant d'air. Elle se retourna un peu plus loin et vit un des gardes avancer gauchement, hésiter, puis se baisser pour cueillir une petite fleur qu'il huma après un autre instant d'hésitation. Il l'a tendis à l'autre qui fit la même chose.





Anaïel s'envola à travers l'Académie.




« Appartement de Ena Nel Atan ».




Ena Nel' Atan. L'amie de Elhya, la marchombre la plus renommée de l'Académie. Anaïel réfléchis quelques minutes, rien ne pressait et les interrogations fusaient dans sa tête, notamment sur sa manière d'agir avec la jeune femme. Oh et puis les doutes, elle commençait à en avoir assez. Elle était au pied de la tour marchombre, une tour qui résonnait en elle avec plus de force que n'importe quel autre bâtiment, sa pointe effilée lui perçant le cœur comme elle perçait les nuages tout la haut, alors qu'avec une finesse époustouflante et une harmonie sidérante, elle s'élançait à l'assaut des cieux et des étoiles. Sans réfléchir à la conséquence de ses actes, elle retroussa ses manches sur ses avant-bras, posa ses deux main à plat contre la pierre constituant l'édifice, quelques secondes, puis elle s'élança à l'assaut de la paroi verticale du côté ombré. La tour était complètement lisse. Non, pas complètement, quelques encoches, quelques rayures, quelques pierres disjointes, mais son escalade requérait beaucoup de technique et de force, ainsi qu'une harmonie avec soi même réservée à la catégorie des marchombre. Assurément, seuls ces derniers étaient en mesure d'escalader la paroi. Ainsi elle fit jouer ses muscles avec bonheur, et surtout silence, se fondant avec la pierre afin d'éviter au maximum qu'on la remarque. Arrivée en haut, elle décida de se dépêcher pour entrer à l'intérieur, illuminée par le soleil à son sommet elle était trop visible. Après un dernier coup d'œil à son ciel chéri, elle se glissa dans l'interstice d'une fenêtre mal fermée, non sans avoir au préalable écouté à l'intérieur s'il y avait une présence. Elle se retrouve donc dans une espèce de grenier où étaient entreposés tout un tas d'instruments hétéroclites, puis elle entendis du bruit sous ses pieds. La porte était ouverte. Le couloir était sombre, les escaliers tortueux, mais la tour marchombre était faite pour résonner dans l'âme de ses derniers, et Anaïel avait toujours le visage barré d'un sourire. Enfin elle trouva le bureau d'Ena. Une austère plaque en métal, une porte en chêne massive, et c'était tout ce qui indiquait qu'une marchombre hors norme vivait ici.




Ses yeux flamboyèrent, elle toqua à la porte. Et entra.










[ pfuu ça fait une semaine que je suis sur celui la -_-' j'espère que ça te plaira, au besoin éditage à volonté !! ]

Ena Nel'Atan
Ena Nel'Atan

Maître poussin
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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeMar 2 Fév 2010 - 18:31

[ Sisi, tu es éveillée Cool Toute édition possible ! J'espère que ça te convient. ]

Pour la énième fois, Ena relut la lettre de son père. Elle devait lui apporter le courage d’affronter, chaque jour, le pâle visage qui lui rappelait, de temps à autre, celui de son mari défunt.


« Ena,

Chaque jour se fait plus long que le précédent, depuis que tu es partie. Je ne te le reproche pas. Jamais. Simplement, ôter à un père ses trois enfants, c’est l’estropier. Je suis manchot, muet, sourd, aveugle, amputé. J’espère que tu connaîtras, bientôt, un jour, ce que c’est qu’avoir un enfant. Lui donner une part de toi. Admettre qu’il est partie intégrante de ton âme. C’est un moment merveilleux que, pour rien au monde je n’aurai manqué. Être père, c’est aussi savoir se donner. A l’enfant et à la mère. C’est une offrande. »


L’image de Gendaï s’imposa à l’esprit de la marchombre. Cupidité, avarice, mais jamais, au grand jamais, de générosité. Qu’avait-il offert à son enfant, sinon sa mort, puisque son existence était une éternelle menace ? Elle posa ses yeux sur la petite fille, assise par terre, remuant entre ses doigts des cailloux, qu’elle posait parfois, reprenait, reposait. Puis levait les yeux sur le mur, regardait durant de longues minutes, avant de revenir à ses petits cailloux. La marchombre, les genoux replié sur le torse, continua sa lecture.

« Tu seras mère, je le sens, je le sais, je l’espère de tout mon cœur. Pour le moment, pourtant, j’aimerai juste t’avoir auprès de moi. Non, tu y as passé trop de temps. Tu sais, un père devrait protéger son enfant. Il devrait être son sauveur, son rempart contre la vie, la dureté de l’existence, contre la mort, contre les autres, contre la cruauté et la violence. J’ai laissé mourir ma benjamine. J’ai laissé partir mon aînée. J’ai laissé se détruire ma cadette. Quel genre de père suis-je ? J’étais détruit, et tu as joué le rôle de parent que nous avons su assumer, ta mère et moi. Et tu l’as fait à merveille, je le sais aujourd’hui. Ce n’était pas ton rôle, pourtant. J’espère que tu trouveras à ton tour quelqu’un pour être ton rempart, ton bouclier, contre la misère du monde. »

A dire vrai, non, elle n’avait jamais trouvé. A la place, elle avait trouvé quelqu’un qui lui avait appris à se passer de rempart. C’était aussi bien, songeait-elle. Keolan avait fait davantage que la protéger, il l’avait paré contre la vie. Parce que, davantage que la mort, c’est de la vie qu’il faut se protéger. Keolan avait un fils. Qui devait avoir aujourd’hui un âge proche de celui d’Ena. Ce fils, le Maître avait-il su le doter d’un rempart ? Ce fils, avait-il été capable de surmonter la disparition de son père ? Comment était-il, comment s’appelait-il ? Les questions se faisaient nombreuses, maintenant qu’elle savait que Keolan avait un fils. Et une femme, sans doute. Avaient-ils pu surmonter leur peine ?

« Il faudra qu’il y ait quelqu’un pour t’aider à subir la vie. Non, ne crois pas que l’existence est une succession malsaine de moments infâmes, insupportables, douloureux. C’est faux. Il y a tant de moment qui valent la peine de vivre. Pas seulement d’avoir une famille. Le jour où tu offriras à une nouvelle génération tes connaissances, le jour où tu pourras éprouver la fidélité de tes amis, le jour où l’on te soutiendra, le jour où tu frôleras la mort, et qu’il y aura quelqu’un pour te retirer à ses mains obscures. Mais aussi lorsque tu seras en colère. Lorsque tu aimeras. Lorsque tu manqueras d’espoir. Lorsque tu regretteras. »

Alors là, aucun souci, pour ce qui était du remords, la jeune femme était servie. A travers ces mots, il lui semblait que son père voulait lui offrir un message. Voulait lui montrer que dans chaque chose, il y avait quelque chose dont il fallait profiter. Que chaque sentiment, chaque action, chaque situation possédait une essence qui présentait un attrait. Quelque chose qu’il fallait vivre, ressentir. C’était une doctrine particulière.

« Lorsque tu pleureras. Lorsque tu voudras. Il y a tant de choses à vivre. Je ne sais si tu te souviens de ce que je te disais, quand tu étais petite et que tu avais du chagrin. Je ne te le disais pas fort, je ne voulais pas te l’expliquer parce que je ne savais comment faire. Je te disais « Essaye la vie ». Tu me regardais souvent et j’avais l’impression que tu comprenais. Et même si ce n’était pas le cas, j’étais fier. Tu étais une petite fille intelligente. Je regrette tant de l’avoir oublié. C’est vrai, et je te le dis aujourd’hui. Quand tu avais une dizaine d’année, je m’amusais à vous imaginer plus grande. Irae était une belle jeune femme, elle avait une famille épanouie, elle avait réussi ce qu’elle avait entreprit. Elle était faite pour ça. »


Et il ne s’était pas trompé.

« Ta petite sœur, je la voyais tout engagée dans une passion. Elle se serait plongée dans ce qu’elle aimait, quitte à ne pas fonder une famille aussi solide qu’Irae, quitte à trébucher de temps à autre. Elle aurait eu une vie comme ça, je crois. Abandonné à ses passions, avenante, toujours prête à soutenir ce qui en auraient eu besoin. Toi, je ne savais pas. Tu ne parlais pas beaucoup, à cette époque là. Tu n’étais pas toujours polie. Tu n’avais pas l’entêtement de tes sœurs, leur puissante nécessité de vivre. Tu n’avais pas vraiment de caractère, je n’aurai pu te définir. Tu avais comme … moins d’intensité de vie. Aujourd’hui, je pense que ta vie devait être chaotique. Tu devais croiser des moments de vide, de destruction, mais être capable de t’en relever. Je suis presque certain que tu as eu une vie semée d’embuche, mais que tu as su les surpasser. Il y en avait peut-être peu, mais il y avait quelques personnes pour te servir de pilier. De repère. C’est vrai, je vais te l’avouer, lorsqu’Ailil est morte, je me suis demandé pourquoi la nature avait choisi celle qui avait le plus de vie en elle. Le plus d’allégresse. J’ai pensé ça. C’est affreux, pour un père, de penser une chose pareille. Abominable. »

Son père était d’une franchise qui, en dépit de ce qu’il disait, rendait fière sa fille. Elle aimait cette façon qu’il avait toujours eu de ne pas sur-jouer sa joie, sa colère, de dire ce qu’il pensait réellement. Même si cela devait blesser. Au fond, c’était nettement moins dangereux, et tellement plus utile que le mensonge. Et puis, pour la énième fois, Ena trouva la ressemblance entre Elera et Ailil étonnante. Frappante. Curieuse.
Anael avait posé tous les cailloux, et à présent, regardait le mur. La marchombre détourna ses yeux de la lettre, se leva et s’approcha lentement. Ce qu’elle perçut en regardant les pierres l’émerveilla. L’effraya, un peu, aussi. Les petits cailloux étaient positionnés, assez malhabilement, pour former une constellation. A peu près, sans quelques étoiles, mais une constellation qu’Ena n’eut pas de peine à reconnaître. L’Aigle. Avec Altaïr, au centre, représenté par un petit caillou plus clair. C’était parfaitement étonnant. La marchombre resta un moment interdite devant le dessin, puis regagna le fauteuil dans lequel elle était installée.

« La culpabilité est indécente. Mais cette pensée a fini par s’en aller. Et depuis que je me suis rendue compte de ce que tu avais fait pour nous, l’idée même d’avoir des suppositions quant à ce qui aurait pu se passer m’est sortie de la tête. Jamais je ne pourrais te remercier suffisamment, Ena. Normalement, dans une famille, les parents sont ceux qui s’offrent à leurs enfants. Les aide, les gâte, les câline. Puisque que tu n’as pas vraiment eut cette place, je crois qu’il se révèle que tu n’es pas faite pour être entourée, câlinée, protégée. Irae trouvera un homme pour remplacer l’amour et le soutien qui lui a manqué. Toi, peut-être pas. Tu survivras sans. Je le sais. C’est étonnant, le nombre de certitudes qui me viennent, désormais. »

Que son père en sache autant sur elle, l’ait à ce point devinée alors que cette lettre datait d’une dizaine d’année au moins faisait chaud au cœur d’Ena. Comme Anael n’avait pas bougé, elle ne leva pas les yeux. Continua sa lecture.

« J’ai pourtant mille fois réfléchi à une façon de te remercier. Je n’en vois aucune. Sinon te sauver la vie, un jour, s’il m’en est donné l’occasion. J’en doute. Je t’ai donné la vie, j’aimerai pouvoir la préserver. Et même en dehors de tout lien familial, puisque tu m’as sauvé la vie, je te dois une vie. Ca parait pompeux. Mais c’est vrai. Quand tu étais petite, tu étais extrêmement intelligente. Et j’aimais ça. En dépit de tout ce que tu n’avais pas, la beauté, la joie, l’entêtement, le caractère, le talent, j’adorai ta vivacité d’esprit. Tu comprenais tout, vite, facilement. Ca rendait beaucoup de choses plus faciles. Alors, je me disais qu’à ton adolescence, discuter avec toi deviendrai un pur bonheur. Une ballade agréable et animée. J’attendais ce jour, patiemment. Mais il n’est jamais arrivé, parce que l’existence a décidé que nous étions trop heureux. Peut-être qu’il y a une dose de bonheur général, dédiée à tous le monde, et que tous se partagent. J’ai du mal à croire qu’il y ait un minimum. Par contre, il doit y avoir un maximum, et si on l’atteint, on est obligés d’en redonner un peu. On n’est pas avare. On a donné un peu de notre bonheur, sans savoir que ce serait trop, pour d’autres qui n’en avaient pas assez. Alors voilà, Ena. Je voudrais te demander pardon, pour avoir cru que tu n’étais pas ce que je désirais. Pardon. Et merci, d’avoir fait ce que tu fais pour nous. Je t’en supplie, n’oublie pas que le bonheur que tu n’as pas profite à quelqu’un d’autre, crois-le. Et n’oublie jamais à quel point l’amour que nous te portons est sans limite. Je suis certain que tu peux imaginer quelque chose sans limite. Ne l’oublie pas, jamais. Quoiqu’il advienne.
Papa »


La jeune femme aimait sa théorie du bonheur qu’il fallait partager. C’était … drôle. Elle regardait toujours la lettre, et les mots dansaient devant ses yeux, tranquillement, alors que la fatigue alourdissait ses paupières. Pourtant, elle activa plusieurs fois ses yeux et se leva, se dirigeant vers la gamine qui gardait les yeux levés sur le mur. Elle s’assit tranquillement à ses côtés, et regarda la direction que fixait Anael depuis de longues minutes déjà. Là, une toile d’araignée s’étendait élégamment entre une poutre du mur et la cheminée ou rougeoyaient les flammes. Les fils formaient un dessin habituel, mais les ombres dansantes de la cheminée la coloraient étrangement, dessinaient des arabesques affriolantes. De temps à autre, lorsqu’il y avait un appel d’air dans la cheminée ou lorsque du vent venait de la pièce d’à côté, la toile ondulait dans l’air, tranquillement, presque joviale.
Pendant plus de deux heures, les deux corps immobiles regardèrent la toile. Parfois, l’une d’elle oscillait un peu, tremblait, mais elles restaient immuables. Enfin, après cent trente sept minutes, Anael déplia ses jambes et se leva.
Elle souriait.
Ena se leva à son tour, tourna les yeux et tomba sur le visage arrondi de sa fille. Qui lui sourit. Elle lui rendit son sourire, menée par un instinct qu’elle ne nommait pas.
A cet instant, on frappa. Anael s’en alla, sans perdre son sourire, et se rassit à côté des cailloux. Ena, comme léthargique, se dirigea vers la porte, qui s’ouvrit devant elle. Elle se secoua mentalement, crispa un bref instant les épaules, et regarda la personne qui arrivait.

« Bonsoir, entrez donc »

C’était fichtrement poli, elle se demanda brusquement où elle était allée chercher une formulation pareille. Tout sourire disparu, le visage refroidi, elle devait paraître austère. Pourtant, elle ne s’en soucia plus lorsqu’elle reconnut le visage de la jeune fille qui lui faisait face.

« Anaïel ? »

Anaïel
Anaïel

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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeSam 27 Fév 2010 - 11:29

[ c'est parfait, comme toujours angel bon j'ai vraiment pas fait long, j'en suis désolée, mais l'inspiration ne fut que très fugace ^^ éditage également si moindre soucis, bonne lecture ^^]

Ena était pareille à ses souvenirs. Des souvenirs tachés de sang, de découvertes, de rencontres, et de pulsions meurtrières refoulées. Elle ne l'avais pas souvent rencontré, son temps le plus précieux à la merci d'Elhya, mais elle savait que son maître et elle étaient très proches. Des joues creuses, et le regard brillant mais froid, la mine austère l'effrayait un peu, et comme de bien entendu, la moindre pensée lui était cachée avec une force et une délicatesse qui lui faisait presque envie. L'avait-elle reconnue ? Elle fit un pas avant qu'elle ne prononce son prénom, et un fin sourire vint étirer ses lèvres de côtés, comme on tranche un masque par le biais. Une main posée contre le chambranle éclaircissait son esprit et le rendait limpide comme de l'eau. Revoir une amie d'Elhya était d'une certaine manière bouleversant, d'autant que les principales raisons de cette rencontre étaient d'ordre chaotique et que la situation était tendue de tout point de vue. Alors elle garda le silence, et hocha doucement la tête sans quitter la maître marchombre des yeux.

Il s'écoula quelques acides secondes avant qu'Ena ne fasse demi tour, avec une grâce toute marchombre, avec un style tout Ena, l'invitant ainsi à entrer dans la pièce. Le feu ronflant dans la cheminée la prit aux tripes, mais comme d'habitude elle s'obligea à ne pas le regarder, ce qui atténuait sensiblement le malaise. Son entrainement faisait le reste. Les flammes progetaient les ombres de leur valses sur les murs de pierres, et la pièce semblait le théâtre d'un funeste purgatoire, mais c'était dénigrer l'atmosphère de calme, le silence aussi mouvant que les braises, et la sérénité qui semblait couler le long des murs. L'antre d'Ena était un abris. Pour l'instant. Le feu avait captivé toute son attention, ainsi elle n'analysa pas tout de suite les lieux, comme à son habitude. L'endroit lui était inconnu, et la fascinait aussi d'une certaine manière, c'était l'appartement d'Ena tout de même. Elle fit courir son regard le long des murs, notant les formes et les angles qui les parsemaient, la fenêtre, aussi, comme un puits dans lequel les ombres enflammées se noyaient. Quelques cm carré d'insolence à la chaleur et au feu qui martyrisait ses mains. Elle y plongea son regard avant de fermer les yeux et de les rouvrir sur le visage de la marchombre, qui n'avait pas dit un mot.

Elle ne pouvait apprendre un tel visage, Ambre était envoutée par ses propres sens, par la rigueur de son existence et les défenses qu'elle avait érigées étaient solides, ancrées, instables. Ena était un miroir dans lequel les ombres de ses pensées flouaient la surface pour non plus la rendre réfléchissante mais brouillée, décourageant l'interlocuteur d'y découvrir ne serait-ce que son reflet. Il s'était passé tellement de choses depuis qu'elle était partie... Ses pensées surgirent avec violence du coin où elle s'occupait d'Elhya. Elle ne l'avait jamais retrouvée, refusant d'écouter le vent lui apprendre quoi que se soit, lâche, elle l'avait poursuivit aux recoins du monde pour n'apercevoir que son reflet dans les eaux de ce qui aurait du êtres ses larmes. Elle allait devenir professeur, elle allait essayer de sauver Elera. Elle ne serait plus lâche. Ena la regardait toujours, immobile au delà même du raisonnable. Anaïel ouvrit la bouche, le phœnix aux yeux d'argent sembla alors lui brûler la poitrine.Se reprenant à temps, elle ferma les yeux pour museler ses paroles. Elera le lui avait dit, il y avait des oreilles partout. Elle fit voleter ses yeux dans la pièce et, comme des rapaces, trouvèrent ce qu'ils cherchaient. D'un pas souple elle emprenta un stylo d'une main malhabile, et traça quelques arabesques. Des lettres brûlantes, saccadées, empreint d'une tension que le papier ne pouvait qu'effleurer. Elle tendis sans un froissement l'objet de sa visite, puis releva les yeu vers la légendaire marchombre. Des yeux brûlants d'une détermination sans faille.


- Je cherche Elhya. Et je veux devenir professeur. Pour sauver Elera.

C'était haché, hésitant, dérisoire et chancelant, indécis. Ses pensées tourbillonnaient mais elle gardait un visage impassible. Ses pupilles seules témoignaient de son trouble en flamboyant plus intensément que le feu crépitant dans l'âtre. Elle était instable, mais elle était l'Ange de feu. Elle allait aider l'Académie, mais pour commencer elle avait besoin de Ena, et des informations qu'elle pouvait avoir sur Elhya. En silence, immobile également, elle attendit la réponse de la maître marchombre.

Ena Nel'Atan
Ena Nel'Atan

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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeJeu 5 Aoû 2010 - 20:42

« Ne donne pas de couleur à l’aurore que tu dessines ainsi, vaillamment, oublie-toi, tombe, choit, ne te relève que s’il t’est expressément demandé de le faire. Là, tu regarderas le ciel, tu briseras la nuque devant l’éternité dont il est l’image, tu ne t’élanceras pas à son devant : Tu serais bien en peine de le devancer un jour. Ne lève pas les yeux, ne les ouvres pas, ne les laisse pas clos et sans vie. Ne sens pas, n’ait plus de respiration pour le fébrile oscillement des brindilles. N’ait pas d’écoute, n’ait pas de mots. Sois. Sois. Sois plus fort.

Lourd Silence.

Tu n’es rien. Pars. Je te dis d’être et tu n’es pas. Pars. »

Les mots de Leksel, qui s’étaient à l’époque enfoncés loin dans sa peau, incisifs et irritants, qui avaient été à l’origine d’une sourde colère, armée de honte et de rancune, se faisaient cette fois chantants, dans l’espace vide et froid qu’était devenu l’appartement d’Ena. Ils sonnaient sans sentence, et n’avaient pour échos que les souvenirs qui s’étendaient, las de leur léthargie, avachis dans les songes de la dame. La déception qui vrillait le ton de son Maître lorsqu’il avait quémandé le départ de son apprentie restait ardente dans l’esprit brumeux de la jeune femme, tant elle l’avait blessée. Et pourtant, aujourd’hui, peu lui importe ce qu’il en a été des soulèvements impropres, des sombres regards et des prunelles baissées. Les yeux plongés dans ceux d’Anaïel, où l’image d’Elhya flamboie, incandescente, les mots la fuient, rien n’ose frémir. Elle fit pivoter son cou, dans l’ambition d’apercevoir, par l’ouverture béante – parce que basse – de la fenêtre, le temps qui s’installait dehors. Peut-être n’était-ce là que le fruit de son esprit, mais depuis des jours – des semaines, des mois ? – il lui semblait que le gris régnait, comme un sultan en son royaume, Là, il lui sembla ne rien voir par l’ouverture. A l’emplacement de la fenêtre, un vide, un flou, peut-être une masse informe qui apparaissait insensée. C’était idiot. Elle lut les mots qui s'alignaient devant ses yeux avec peines. Ils étaient flous, ils remuaient, ne daignaient pas se tenir en place, ils s'agitaient. Comme aucune fuite ne lui était possible, et comme elle ne devinait que trop bien la couleur terne du ciel qu’elle découvrirait si elle continuait à lorgner la vitre, elle posa à nouveau son regard sur Anaïel et, d’une voix sereine qu’elle ne se reconnut pas.

« Je serai ravie de te compter parmi les Maîtres, au sein de cette Académie … Quelle que fut ton ambition »

Elera. Elera. Elera. Les contacts s’étaient effilochés, tant il était malaisé de se défaire des yeux qui partout les suivaient. La douleur masquée par l’honneur de son apprentie n’aurait pu être plus évidente aux yeux de celle qui l’avait entrainé derrière elle, d’abord, puis à ses côtés. Penser à la jeune fille – femme – à la chevelure enflammée et à la voix d’éther agitait les veines déjà irritées de la marchombre. D’un brusque mouvement, alors que sur les vifs songes qui la liaient à Elera s’invitaient les images d’enfance d’Elhya, pour éviter toute perte de contrôle, la dame saisit Anaïel par les épaules et sortit en trombe de la pièce. Aucune délicatesse, aucune discrétion, aucune légèreté dans sa démarche, rien ne pouvait laisser deviner son statut de Maître Marchombre, et Leksel aurait sans nul doute ouvert de grands yeux ronds à la vue de cette scène. Pourtant, après avoir descendu les escaliers de la tour – en sautant plus qu’en ne courant – et lorsque ses pieds nus rencontrèrent l’herbe fraiche des jardins, elle s’appuya tendrement sur la terre, respira le monde, et se fit insaisissable, et parcourut ce qui la séparait de l’Académie d’un pas soulevé d’une souplesse délicieuse. Nul doute qu’Anaïel la suivait. Elle parcourut les couloirs, et s’arrêta avec une brutalité qui ne lui était pas coutumière devant la porte de l’intendant. Pas coutumière, parce qu’elle s’arrêtait d’ordinaire délicatement, et peu coutumière, parce qu’elle s’arrêtait rarement devant le bureau du sieur Hil’Jildwin. Elle avait plutôt tendance à enfoncer la porte en plein vol et faire taire les jérémiades du bonhomme. Là, le menton bas, les épaules crispées, le nez à quelques centimètres du battant, Ena laissa de longues minutes s’écouler. Et enfin, actionna la poignée. Pour, sans soulagement puisqu’elle le savait déjà, découvrir un bureau vide. C’était bien son aise de ne pas être dérangé par le bonhomme. Quelques minutes, elle laissa uniquement ses yeux courir sur les murs encombrés, à la recherche d’une reliure de cuir clair, qu’elle trouva sans mal. Avec des doigts agités de quelques soubresauts, elle saisit le livre, qu’elle délogea de son emplacement. Durant encore à peine moins de trois minutes, elle se tint immobile, les doigts serrés sur la couverture, marquée de quelques mots dorés. Registre des Morts & Disparus.

Les doigts feuillètent, bravement, s’égarent, s’arrête, tombent, lâches, se reprennent, jusqu’à ouvrir la bonne page. Des colonnes de mots, des noms, des dates, certains mal écrits, effacés, bien qu’ils soient plutôt récents, usés comme s’ils avaient cent ans. Alors qu’ils n’en ont pas un. Elle se tourne enfin vers la jeune fille, croise ses yeux, les fuit, lui adresse le livre, pointe du doigt une ligne.

« Il’Dune, Elhya – Maître Marchombre enseignant à l’Académie de Merwyn
Née à Al-Vor
Retrouvée morte devant les portes de l’Académie, Assassinée. »

Il y avait des dates illisibles, des ajouts qu’on ne comprenait pas. Mais le reste était parfaitement compréhensible. S’étant reculée, pour laisser à la jeune femme tout le loisir de s’imprégner de la nouvelle, Ena vint murmurer à son oreille.

« Elle avait une estime pour toi que tu ne peux imaginer. Et elle était pourtant une marchombre légendaire, tu n’es pas sans le savoir. Si le responsable de sa mort connaît ton nom, tu es en danger. »

Le silence était pâteux, mais pire, d’une lourdeur sans pareil.

« J’ai une tâche à te confier, Anaïel … »

[ Je te propose de continuer ici, même si on est supposé être dans le bureau de Jehan, pour éviter de faire plusieurs mini-Rp. En cas de soucis, sonne o/ Et pour ce qui est de la qualité ... Au dépend du retard qui s'eternisait, j'en suis désolée. ]

Anaïel
Anaïel

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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeJeu 2 Sep 2010 - 11:24

Les yeux d'Ena s'étaient détournés. Noyés d'ombres et de reflets, elle imaginait les délicats enchainements, rouage, rouillés ou non, qui s'agitaient sous la peau, résultant du visible et du conscient. Sa requête formulée, elle eu, un instant, l'impression qu'un lourd poids s'était envolé de ses épaules, partager aidait, finalement. Avant que la dure réalité ne la rattrape, avant que l'esquive immobile de la marchombre ne vienne s'ancrer dans son cœur en un étrange et douloureux pressentiment. Sur ce qui n'était pas, à vrai dire, elle avait juste peur que Ena lui refuse sa place, elle serait alors condamné à trouver une autre stratégie peut-être bien moins pratique. Aussi ce ne fut pas de la déception, mais de l'étonnement qui agrandit ses pupilles lorsque d'un mouvement saccadé, l'autre la saisit par les épaules et la fit pivoter comme une toupie pour s'enfuir. Au diable les démons et autres oreilles indiscrètes, Anaïel ne voyait plus que la grâce brisée de' la marchombre qui frappait les pavés au lieu de les caresser. La pierre hurlait de se voir ainsi bafouée. L'air pur emplit ses narines une seconde avant le changement de pas de Ena, la grâce pouvait être personnifiée, elle l'avait sous les yeux, à présent.

Levant les yeux vers le ciel, elle en emplit ses prunelle d'infini, trouvant le courage d'avancer pour ne pas se laisser distancer dans les étoiles qui luisaient trop loin. Un bonheur simple et ardent qui lui réchauffa le coeur lorsqu'elle mis ses muscles à disposition de la fuite, pour rattrapper l'oiseau qui s'était envollé. Elle faillit d'ailleurs renverser le-dit oiseau lorsque celui-ci s'arreta brusquement devant une lourde porte, le chambranle rongé par quelques vers semblaient fasciner la marchombre qui resta ainsi, quelques longues minutes, à le fixer. Etonnée, Anaïel ne bronchait pas, refoulant efficassement les sentiments qui cherchaient à faire surface. Elle ne voulait pas savoir pourquoi Ena agissait ainsi. Ne le pouvait pas.

Les mots dansaient, à présent. Le silence soyeux s'épaississait, et ses bronches soud&ées ne laissaient échappée qu'un long sifflement torturé, noyé dans la boule qui obstruait sa gorge. Anaïel ecarquilla les yeux encore une fois, dilatant ses pupilles ignée comme pour brûler le papier. Mais le feu s'éteignit, tout doucement. Comme on souffle une flamme, un instant, l'âme de l'ange de feu s'était éteinte, ne laissant qu'une enveloppe vide de sens et d'émotion, comme on coupe le son, déconnectée. La réalité se craquelait, ses pensées divaguaient, et ses mains tremblaient. Un sentiment jusqu'alors inconnu monta en elle, fissurant les barages, les digues se traçèrent de gouffres, d'abimes aux yeux d'Elhya, Elhya la défunte, Elhya ... Mais elle se contint. Quelques secondes. Jusqu'à ce que Ena parle.

Ses paroles éventrèrent son esprit, une épée rouillée aux pointes torturées et acérée plantée en pleines tripes ne lui aurait pas fait plus mal. Elhya... Anaïel fit volte face, les yeux fou, le monde lui avait pris la personne qui comptait le plus pour elle. Ce n'était qu'un meurtre de plus, après tout, mais une vie s'était éteinte, une âme qu'elle aurait du préssentir depuis longtemps. Mais elle avait eu trop peur de découvrir la vérité, embourbée dans ce monde trop colant et l'ivresse des vents, elle s'était enfuie. Le coeur débordant de mépris, de rage, de haine, de détresse et de sang, elle fit demi tour à nouveau, tournoyant vivement sur elle-même, les gestes saccadés et violent brisant la quiétude de la nuit. S'emmelant les pieds, elle tomba à genoux devant Ena, s'écorchant les rotules sur le sol piéreux, y laissant quelques gouttes de sang. Et pour la première fois, les bras passés autour de sa poitrine pour ne pas qu'elle explose, de lourde larmes roulèrent sur ses joues, vestige de ce qui était et resterait humain en elle, pour toujours. Les prunelles figées, elle laissa l'eau de son coeur se déverser dans l'abime qui désormait habitait sa poitrine, dans l'espoir de le remplir un petit peu, quand même.

Elle ne su pas combien de temps elle resta là, ainsi prostrée, une minute ou une heure ? Mais la main d'Ena vint caresser sa joue, tout doucement, comme un rêve effleureraitune conscience. Lorsqu'elle s'assit face à elle, Anaïel leva les yeux dans les siens. Des yeux morts ou coulait la détresse d'un monde à l'agonie, le sien, qui était détruit. Mais par delà le brouillard de sa souffrance, quelques mots dansèrent dans son esprit torturé, les mots qu'Ena avait prononcé, un temps indéfini plus tôt.


« J’ai une tâche à te confier, Anaïel … »

Tout doucement, comme si elle avait peur que sa nuque se brise, la jeune marchompbre secoua la tête, ses pensées voltigeant de ci de la comme un essaim de papillons écarlates.
Le monde tournerait sans elle pendant un moment, elle ne pouvait faire quoi que se soit pour aider Ena. C'était trop dur. Soudain, l'image d'Elhya qui flottait dans son esprit changea de forme, ses traits se boursouflant et s'étirant pour dessiner le visage d'Elera. Anaïel sursauta, et se vit un instant telle qu'elle était, abatue, torturée, à la merci du monde et de sa folie. Puisant dans sa formidable volonté les quelques forces qui lui manquait, elle redressa le menton de quelques milimètres. Croisant le regard d'Ena, Ses prunelles s'y fichèrent.

Ses lèvres ne s'ouvrirent pas, mais dans ses yeux la minuscule flamme revennue indiquait que son attention était de nouveau portée sur Ena. Elle attendit.


Ena Nel'Atan
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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeDim 5 Sep 2010 - 20:57

Alors on pouvait tomber ainsi, piteux, perdre de prestance et d’honneur, n’avoir plus de dignité, s’écrouler parce que ce qui fut est brisé. Comment concevoir ? On imagine une œuvre d’un souffleur de verre. D’abord, c’est informe, ça n’a ni avenir ni passé, ni quoi que ce fut d’autre, ça n’a pas d’histoire, pas de réalité, c’est mort, c’est morne, c’est bête, décati, inutile, perdu. C’est dans la douleur, dans la chaleur, dans un brasier d’existence que se forge alors quelque chose. Dans les flammes, la formes devient malléable, elle apprend, elle se forme, on la guide pour qu’elle prenne consistante. On la durcit, on en brise des morceaux, pour lui apprendre à s’en remettre, pour la façonner encore. On la replonge dans l’incandescence, on l’échauffe, elle peut crier, couler, elle agonise mais elle sort enfin des enfers, et là, elle se fige dans ce qu’elle est parvenue à devenir. Une statue, une création de subtilité et de grâce, grandiloquente, scintillante : Le verre est ainsi, d’une beauté inaliénable, grandiose, sensationnelle.

Et puis, lorsqu’on le laisse tomber, il éclate en quelques milliers de petits éclats qui s’éparpillent, qui s’envolent et se délient, qui s’évaporent, qui viennent se ficher dans des cœurs qui dégoulinent alors, comme des outres percées, et peinent tant ensuite à faire cesser ce flot incontrôlé. Les bris de verres ont une portée insoupçonnée. Ils touchent beaucoup de gens, surtout lorsque la statue était de grande envergure, ils sont violents, et déchirent profondément, ils ne laissent pas d’intact, ils lacèrent sans considération. Comment déloger ce qui s’est installé au fond d’une âme – davantage encore qu’au fond du cœur. On ne les ôte pas : Puis qu’ils y sont, c’est qu’ils ont là leur place, c’est qu’ils doivent s’y trouver. Ils sont le témoignage du temps qui passe et de la grandeur de la statue de verre, des liens qui nous y rattachaient : Parce que plus on est proche de la statue, et plus les éclats sont féroces, et plus le corps en est meurtri. Alors ils restent là, on ne peut – et ce, même si on le désirait ardemment – les expulser de ces cavités qu’ils ont creusé pour s’installer : Tous les corps sont constitués de toutes les statues qu’ils ont vu se détruire. Il ne reste qu’à apaiser les douleurs, à vivre au-delà, et à ne pas les oublier.

Devant Ena, Anaïel se tenait cabrée, esseulée dans un monde ou même Ena ne pouvait pénétrer. Et pourtant, la marchombre n’était pas sans connaître le néant chaotique qui peut habiter un corps, un cœur, une âme. Devant ses yeux, son propre Maître avait chu. Entre un Maître et son élève, il existe une sorte de lien qu’on ne définit pas. Plus fort que sanguin, fraternel, amoureux, amical, tellement plus surdimensionné, sans borne, sans limites nulle part. Subtil, précis, fin, et d’une force incommensurable. Difficile de mesurer. Et Ena pouvait bien être imprégnée de ce lien, et connaître ces plaies, ce vide absolu qui pouvait habiter lorsqu’une statue se brisait, il lui était impossible de pénétrer le monde dans lequel la jeune marchombre se trouvait. Et tout ce qu’elle pouvait faire, sans doute, c’était l’aider à lever les yeux, la tête, à regarder loin devant, là où il existait encore quelque chose. Ses doigts suivirent la courbe de son visage, glissèrent sous son menton pour relever délicatement sa tête. Les yeux de l’enfant – parce que c’en était encore une, malgré tout, et peut-être aussi parce qu’on était éternellement enfant – semblaient éteints. On n’y voyait que le néant aux abîmes de cendres, où des perles d’une pluie de vide se brisaient en myriade d’étoiles mortes. Dans la prunelle noire d’Ena, une larme se dessina, unique, pleine de délicatesse, et portant tout à la fois des extases et des douleurs, perla au coin de son œil, et traça un chemin sur sa joue, jusqu’à son menton, pâle écho au déluge d’Anaïel. Puis, elle saisit la main de la jeune femme, et sous ses doigts, dans les veines affolée de l’enfant, on sentait des battements étranges, une folie, un torrent aussi, d’une extrême violence. Elle invita l’apprentie d’Elhya à se relever, la soutenant – pas de manière physique, quoique leurs mains soient liées, plutôt dans le silence et une certaine austérité. Quand elle fut relevée, avec une voix d’une extrême douceur, Ena prit la parole, juste à son adresse, pas loin de son oreille, pas loin de son visage.

« Lorsque tes autres tâches auront été menées à bien, Anaïel, il faut que tu retrouves un homme du nom de Jillan Ravuin. C’était le Maître d’Elhya. »

Elle s’arrêta. Prononcer le nom d’Elhya ne lui était pas si aisé. Sa gorge était sèche, sa voix plus rauque. L’environnement n’avait plus d’importance, n’existait plus, s’était évaporé alors qu’Anaïel chutait, et n’était pas revenu. Si bien que les deux jeunes femmes se retrouvaient suspendues au milieu d’ailleurs. Les yeux d’Ena échouèrent dans le vague, des pensées volages et violentes la mirent en suspension, un instant, avant qu’elle ne reprenne une totale conscience, et qu’à nouveau, ses prunelles se perdent dans les iris embrasées d’Anaïel.

« Le Gant d’Ambarinal se trouve encore dans le bureau de Merwyn. Apporte-le à Jillan, et apprends-lui le sort de son apprentie. Dis-lui qui tu es. »

Le bureau de Jehan, qu’elle connaissait pourtant bien, pour y être rentrée des milliers de fois en ouragan, afin d’accabler le pauvre homme de ses reproches et de ses exigences, ne lui apparaissait que peu, sans réalité, évanoui, vaporeux. Elle tenta de dessiner les contours qu’elle connaissait bien, sans succès. On se serait cru dans un souvenir falsifié de la pensine de Dumbledore :arrow :. L’instant semblait trop lourd pour un lieu physique, pour des murs, des meubles, des objets.

« Anaïel, tu es en danger. »

Et son visage s’était figé, glacé, ses yeux proprement plantés dans ceux de la jeune marchombre, toute trace de compassion, de douleur effacés. Jurant terriblement avec sa décomposition précédente, il s’agissait d’un visage violent et cruel. Parce qu’il ne s’agissait pas d’un danger obsolète. Après Jillan – et avant, même, peut-être, Anaïel était la marchombre la plus sensationnelle de cette époque.

[ A part si l’un des Admins s’y oppose, je pense que, que tu ramènes ou non le Gant d’Ambarinal à Jillan, il finira par te revenir. C’est une manière d’honorer la plus ancienne membre du forum, et son assiduité ! ]

Anaïel
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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeJeu 9 Sep 2010 - 13:53

C'était étrange. Les phrases d'Ena percutaient sa conscience, tout en glissant le long de ses pensées comme une goutte d'acide sur une plaque de verre brisé. Elle se noyait dans ses pupilles froides et chaleureuses, dans ses traits tordus et pourtant serein. Les paradoxes s'épanchaient autour d'elles, noyant le monde, l'univers dans leur bulle d'incompréhension et de douleur, il était vital que cela cesse. Pour ne pas sombrer. Pour ne plus sombrer. A l'annonce du nom du maître d'Elhya, Anaïel ressentit un grand vide se répandre en elle, pas douloureux, non, plutôt comme si ce qui la composait se délitait dans le vent, en soupirant, en hurlant, tandis qu'un dernier fil la retenait avec Ena. Son maître ne lui avait jamais parlé du sien. Ainsi, il existait encore quelque chose qu'elle pourrait apprendre, qui reliait le monde à celle qui fut mais qui n'était plus. Jillan. En contrepoint parfait du masque d'Ena, le visage d'Anaïel suivit les courbes de son esprit, et la violence se fit reine sur ses traits félin, sublimant leur rudesse par la tristesse qui les entachait. Elle laissait la cruauté à Ena, mais récupérait le désespoir d'une quête qui la maintiendrait dans ce monde ci. Oubliées les promesses, les rencontres, le passé, alors que la détresse crachait les derniers lambeaux de son âme torturées, les larmes continuaient à couler.

Le fantôme de la main d'Ena continuait de brûler sa joue, comme chaque contact, comme chaque acceptation de sa réalité ambigüe. Mais la haine était absente, enfin, jusqu'à cette seconde précise. Cette seconde où elle prit la pleine mesure de ce qu'elle avait lu dans le grimoire. Elhya n'était pas morte. Elle avait été assassinée. La dernière phrase de la maître marchombre, prononcée d'un voix plus sombre que la nuit, acheva de détruire les barrières, noyant sa détermination, violant les droits qu'elle s'était accordé pour faire ressurgir le côté le plus animal qui rampait en elle. Elle ne bougea pas, immobile jusque dans sa raison vacillante, alors que la haine brûlait ses entrailles au fer rouge, marquant le mot vengeance d'une écriture sanguine et violente. Ses prunelles s'enflammèrent, rouges et or, alors que le sang se déversait en leur centre pour détruire ce qui lui restait d'émotions. Elle se leva, gracieuse et mortelle, les main comprimées en un poing dont les tendons cherchaient à saillir, comme pour tenter de s'échapper de ce corps trop étroit pour la rage qui le consumait.

Mais par dela la brume qui opacifiait sa vision aniline, c'était les prunelles d'Elhya qui maintenant la fixait, à travers celles d'Ena. Tremblotante, l'image s'accentua pour gagner en netteté, alors qu'elle semblait s'éloigner tandis que sa fureur grandissait. Elle tendis la main, et ses doigts griffèrent le vide, hargneux et tendres. Elhya s'éloignait. La tristesse repris le dessus, et elle revint un peu plus près. Anaïel respira un grand coup, l'air sifflant par saccade entre ses dents serrées à éclater, tout en essayant de juguler l'envie de meurtre qui broyait ses mains. Lentement, ses résolution revinrent, unes à unes, résultat de l'entrainement extrême qu'elle exerçait chaque jour. Ena repris son corps, et elle, elle repris pied. Le sifflement d'Anaïel, froid et sombre, doux, résonna et sembla trouer le silence, s'y glisser, comme pour se tailler un nid dans l'ouate de ses circonvolutions.


- Si le meurtrier est toujours en vie, c'est lui qui est en danger.

Elle n'avait pas encore conscience de son arrogance, pas encore, non plus que de sa faiblesse en combat contre un probable mercennaire aguerri. Ce devait être une personne vicieuse, malsaine et exceptionnellement douée pour avoir pu voler la vie d'Elhya. Anaïel se fit la promesse de la retrouver. Mais Ena attendait plus que ces quelques mots, son visage s'était durci, cruellement incisif alors que le gouffre brumeux de ses pupilles se solidifiait en un trou noir compact et lourd. Elle connaissait les qualités d'Elhya dans tout ce qui touchait à l'art marchombre, et elle savait également que l'enseignement avait porté ses fruits et qu'Anaïel était une marchombre aguerrie. Sa mise en garde augurait bien plus de chose qu'elle n'en laissait paraître, Anaïel en était sure. Aussi pencha t-elle la tête sur le côté, un instant, refoulant au fond de ses yeux sa tristesse et sa haine, pour pouvoir parler sans trembler. Elle ne voulait pour rien au monde s'effondrer une nouvelle fois devant celle qui fut l'amie d'Elhya.

- De quel danger tu parles au juste ?



[Mon dieu, que c'est court... Je suis désolée, mais je n'avais vraiment pas d'inspiration. Pour le gant, je suis très touchée, je pense que je le transmettrait à mon élève ^^ (Anaïel est plus habile ) la fronde qu'au tir à l'arc ^^) J'espère que ça te conviendras quand même...]

Ena Nel'Atan
Ena Nel'Atan

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MessageSujet: Re: Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé]   Et c'est ainsi qu'elle rencontra Ena... [Inachevé] Icon_minitimeMar 8 Mar 2011 - 22:06

Tout cela n'a plus de sens, le monde voudrait tourner, et il s'acharne. Il trébuche, nous aussi. Et puis tout nous saisit, on s'écroule comme si on avait pu se relever, comme si on croyait pouvoir se relever un jour, comme s’il suffisait de tendre les bras pour que le monde se redresse. On est naïf, imbécile, par ce qu'on voudrait croire que tout nous est dû, que nous ne devons rien, que le temps de passer sans me regarder, et pourtant, j'ai peur. On n'est pas d'accord, on n'accepte pas, on a des revendications. On voudrait arrêter le monde avec ça, on voudrait le redresser, on aime à se croire les dieux d'un univers. On voudrait que le petit doigt façonne les existences, que tous tombent sous nos ongles, que rien ne se relève, à moins qu'on ait ordonné. Ce serait sa, être enfin empereur, gouverner, choisir, ne plus se plie et se recroqueviller sous les caprices du destin. C'est insensé de perdre cette humilité, et chaque être se rebelle pourtant, refuse, et toute sa rage explose, et toute sa colère, et rien ne peut contenir cette basse furie. Parce que ces êtres à qui l'on a confié le coeur, nous ne les avons jamais laissé partir, il n'en avait pas le droit, il ne devait pas, de longues heures attendent encore, les attendront toujours. Eux sont lâches, ils ont bon relevé le front, ils ont beau regarder au fond de nos yeux, ils ont beau lever le bras contre ce qui ne devrait pas être, ils s'en vont son courage, ils sont pleutres, désolés. Il faudrait se faire une raison enfin, que personne ne se plie au droit, que le temps est traitre et qu'il ne reviendra pas. Alors ne pars pas, tu ne mérites rien.

La jeune femme tourna le buste vers la fenêtre, les yeux mi-clos, de toute façon, tout lui semblait éteint. À trop éteindre les lumières, soi-même, ou bien laisser les autres de les atteindre, on risquait de se retrouver dans le noir. Complet. Sans aucune petite lueur pour se refléter au fond des prunelles. Et pourtant il reste tant de lumière partout, tant de petites lumières qui ne demandaient qu'à briller, tant d'espoir encore qu'il fallait allumer. Le ciel s'assombrit c'est mais tout n'était pas permis. Il était temps de relever la tête, c'était impossible. Il y a milles choses que tu devrais savoir, tes saveurs qu’il te fallait goûter, des Eden à inventer, je ne sais, je ne veux même plus savoir. On était des gamines, sur le bord de l’eau, on était des enfants, on ne savait qu’en faire, du temps, de l’infini, de ce qui passait à portée de nos doigts, toutes ces idioties qui n’avaient pas de sens, au fond. Quoi ? Il aurait fallu qu’on s’y attache, déjà, qu’on regrette jusqu’à chaque grain de sable qui ne manquait pas de grincer dans les plis de nos habits ? Tu vois, gamine, on était imbécile sur le bord des ruisseaux, et on avalait la vie avec le chocolat, avec la terre boueuse, avec les mûres sauvages, et on buvait l’eau, comme notre enfance, comme nos paroles et comme nos rires. On était jamais rassasiées, on en avait toujours trop et jamais assez, oui, il nous en manquait toujours. De quoi ? De tout. Surtout de rien. De pas grand-chose, aussi. Il me restait trop de choses à te dire aussi. J’avais oublié tous les autres morts, ils me hantaient pourtant. En fait, ils habitent chacun de mes gestes et tu vas les rejoindre. Il faut que tu les arrêtes. Que tu leur ordonne de cesser, de s’échapper, de me laisser. Je ne suis plus rien, déjà, pourquoi tant d’acharnement à me grigner, à ne laisser de moi qu’une enveloppe ? Pourquoi les fantômes cherchent-ils une essence ? Ne les laisse pas continuer ainsi.

« Il faudrait que mes propos soient le reflet des siens … »

Sa propre voix la fit tressaillir. Tout était discordant entre son chaos intérieur, où se chevauchaient les rires de sa jeune sœur, les doux gestes de son ancien amant, les yeux scintillants de Nathaël, et les calmes propos d’Elhya.

« Les morts sont envahissants »

Elle avait parlé à voix haute, bien contré son gré. Sa voix était ferme quand elle était incapable de l’imaginer autre chose que fragile. Elle craignait de regarder Anaïel, effrayé par le visage qu’elle pourrait afficher, tant son intérieur était inconsistant. Pourtant, ses traits n’étaient que trop rodés. A trop se sculpter statue, on finit par être incapable d’afficher quoi que ce fût sur son propre visage. Lui-même ne peut lutter, il se fige, éternel, rien ne le modifie. Si elle se retournait, Anaïel ne verrait que la jeune femme qu’Ena était devenue, cette dernière année : Une coquille blafarde, statue de sel, vide sans doute de tout sentiment humain. Même sa voix n’avait aucune chaleur, alors qu’elle ne souhaitait rien d’autre que d’offrir quelques mots soyeux à la jeune femme brisée.

« Elle aurait désiré que tu ne te tournes pas contre la personne qui a mit fin à ses jours. Plutôt sur tout ce qu’elle voulait détruire, parce qu’elle songeait que le monde méritait d’être purifié »

Sa voix se brisa légèrement, à la reprise des mots exacts qu’Elhya avait utilisés, avant de partir voyager au bout de la nuit, pleine de cette certitude de ne jamais revenir. Sa destiné s’était brisée avec tant de netteté que c’en était mille fois plus douloureux encore. La jeune femme ne voyait rien, n’avait rien envie de voir, dans ce bureau soudain trop exigu. A l’intérieur d’elle, les sentiments se ré-agençaient lentement, consciencieusement. Les souvenirs de son maître s’évaporait, sa chute brutale prenait fin. Cette fois pourtant, sa voix menaçait de la lâcher à tout instant.

« Je devrais te convaincre, par mille et mille mots, que chercher la créature qui a volé ses jours n’est pas ta destinée. »

Elle tenait bon.

« Mais j’en suis incapable, sais-tu. La vengeance est trop humaine, la colère implacable, elle ne laisse pas de place, au cœur des gens comme nous, elle nous empoissonne, et on s’en abreuve »

Elle se tourna enfin vers Anaïel, les poings serrés, les jointures blanches, proches de l’explosion.

« Chez Elhya, on eut dit qu’elle n’avait pas emprise, cette rage sans nom, cette haine sans pardon. »

Elle prit une profonde respiration.

« Anaïel, la personne que tu vas croiser est loin d’être anodine. Ne quitte pas ce monde en la laissant ici … »

Elle eut un haut le cœur, sa voix se brisa, on ne l’entendait presque plus, inaudible, lorsqu’elle termina.

« …Promet-le moi… »


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