[Répartition] Imki Mil' Sipate (Lotra)

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Malgré ses deux solides frisons noirs, la calèche avançait péniblement sur la route enneigée. Les deux gardes montés qui l’escortaient ne dégageaient aucune animosité, mais leur présence suffisait à être imposante. Leurs piques brandies droit vers le ciel, l’épée portée bien en évidence à leur ceinture, ils ne laissaient pas de doute à l’identité de celui qu’ils accompagnaient avec leur bouclier frappé aux armoiries des Mil’Sipate. Imki n’aimait pas cette démonstration de puissance et regrattait de ne pas avoir convaincu ses parents de partir seul. S’ils lui avaient acheté une jument pour sa fête de quatorze ans, ce n’était pas pour rien après tout! Mais les routes étant dangereuses en Gwendalavir, ses parents n’avaient évidement rien voulu entendre de son idée. Pour ne pas changer, d’ailleurs, quand le jeune homme y pensait bien. Aussi la pauvre Frenska avait été attachée à l’arrière de la calèche et lui avait été consigné à l’intérieur. Laissant échapper un long soupire, le fils adoptif reporta son attention vers l’extérieur.

Le ciel bleu, sans le moindre nuage, laissait étaler la lumière vive du soleil. Ses rayons frappaient droit vers la neige, la faisant briller de milles éclats, le forçant à plisser légèrement les yeux pour ne pas être aveuglé. Partout, c’était un grand manteau immaculé et scintillant. Mais malgré le ciel dégagé, l’air était froid et une brise glaciale venait parfois faire frissonner le jeune homme. Il en était tout à ses contemplations rêveuses, le visage légèrement voilé par la tristesse et la lassitude, quand l’un des gardes s’approcha.
- Sieur Imki, nous arrivons. Al-Poll est en vue.
Son ton était neutre, rocailleux, le ton de ceux peu bavards qui ont connu la guerre et côtoyé la mort de près. Le jeune homme hocha la tête, sa tignasse noire lui tombant un peu plus devant les yeux, et le guerrier reprit sans autre mot sa place. Depuis le début du voyage, Imki n’avait pas eu de discutions plus élaborées avec ses compagnons, et bien qu’il était d’un naturel à rechercher la solitude, cette distance lui pesait grandement.

Car ce silence le faisait se replier en lui-même et le faisait se rappeler en boucle ce fameux moment. Ce moment où Guxsimo, son cher frère Guxsimo, les traits déformés par la haine et le dégoût, se jetait sur lui pour le marteler de coups de poings… Un livre lui aurait changé les idées, un de ces précieux ouvrages qu’il aurait pu lire et relire jusqu’à ne plus en voir les caractères d’encre. Mais il n’avait pas osé en apporter un. De toute manière, s’était-il dit, l’Académie devait sûrement comporter une immense bibliothèque, encore plus immense que celle de ses parents, dont il avait d’ailleurs déjà dévoré tous les bouquins. Cette perspective ne réussie tout de même pas à rallumer un peu de chaleur dans ses yeux éteints par la fatigue et le regret, et une légère boule d’anxiété lui prit au ventre quand la calèche traversa Al-Poll en passant par la rue marchande. Évidement, ils s’attiraient les regards curieux des nombreux passants qui s’y trouvaient, malgré le froid de la saison.

Imki s’effaça devant cette multitude d’yeux, incapable de s’habituer à l’attention qu’attiraient les nobles, comme la flamme de la bougie attirant les papillons de nuit. N’était-il pas un humain, comme tous les autres? La calèche finit enfin par arriver en vue de la si prestigieuse Académie de Merwyn, laissant derrière elle les badauds. Elle s’immobilisa dans la cour à la neige tapée par des centaines de traces, et le rude soldat de tout à l’heure mis aussitôt pied à terre pour aider le jeune noble à descendre. Évidement, c’était plus par obligation que par politesse. Après tout, il était payé pour ça, et cette idée rendit Imki légèrement nauséeux. Il n’y avait aucune affection ou fidélité de la part de ces hommes, tout ce qui les liait au Mil’Sipate, c’était l’argent, rien de plus. Ça se voyait à l’autre gaillard qui n’avait même pas descendu de selle et qui regardait l’horizon d’un air agacé, impatient de s’en retourner au plus vite, faisant comme si le jeune homme aux cheveux corbeau n’existait même pas.

D’un pas légèrement incertain, mais qui gardait tout de même une grâce naturelle, un peu comme s’il flottait sur la neige plus qu’il ne marchait, Imki se dirigea lentement vers le bâtiment principal, escorté par l’homme en armure. Étant déjà venu ici pour passer devant les trois maîtres et se doutant qu’il n’était aucunement menacé, il n’en voyait pas la nécessité, mais cela le rassurait un peu. Il avait besoin de s’accrocher à quelque chose pour ne pas se concentrer sur sa nervosité grandissante, bien qu’il le cacha derrière son air impassible. Sans vraiment le vouloir, son allure se ralentit alors qu’il s’approchait de la plus haute des trois bâtisses, son regard capturant chaque détail. Les toits d’où pendaient quelques pics de glaces transparents qui reflétaient la lumière vive. La grande fontaine endormie au milieu de la cour, ses eaux figées jusqu’au retour de la belle saison. L’écurie d’où s’échappait les hennissements des chevaux et cette odeur si particulière, que plusieurs trouvaient trop fortes, mais qui rappelait de manière nostalgique à Imki sa jeunesse à la ferme.

Il fut sortit de sa rêverie quand le soldat, debout près de la porte d’entrée, s’éclaircit bruyamment la gorge, le rappelant à l’ordre. Prenant alors conscience de son immobilité et de la morsure glaciale de la neige à travers ses tabis, le noble le rejoignit et entra à l’intérieur. Le hall d’entrée somptueusement décoré lui laissa un vague sentiment de malaise, qu’il chassa rapidement pour emprunter les nombreux couloirs. Bien vite, ils arrivèrent en vue d’une porte, à laquelle le soldat frappa de son robuste poing. Et alors qu’une voix leur autorisait à entrer, il se poussa sur le côté, laissant Imki s’avancer et pousser la porte, le cœur cognant douloureusement dans sa poitrine.

Et voilà. Il y était. Désormais, il n’y avait plus de marche arrière.

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Votre fils est un bon à rien incapable de tenir une arme correctement. Comment voulez-vous qu’il entre dans la légion noire ? Il ne fait aucun effort et n’est qu’un garçon gâté, prétentieux, et égoïste.

Jehan Hil’Jidwin, exaspéré par la lettre qu’il venait de recevoir, avait bien envie d’écrire ces mots sur le morceau de parchemin vide qui attendait devant lui. Mais non. Il ne manquait plus qu’un élève quitte l’Académie en ces temps difficiles. Et puis, le jeune homme essayait, au moins. Sous les conseils du maître d’armes, il atteindrait sûrement un niveau correct. Jehan sourit pour lui-même. Ce n’était pas ces parents inquiets qui allaient lui voler sa bonne humeur, après tout. Il répondrait aux questions, effacerait les impolitesses camouflées derrière ces si belles phrases et tairait les doutes. Il attrapa la plume.

Mon Sir, Ma Dame,
Je peux vous assurez que vos inquiétudes n’ont pas de raison d’être. Les meilleurs professeurs guident votre fils. Merwyn Ril’Avalon, une légende vivante, Valen Til’Lleldoryn, connu pour ses nombreux exploits, Duncan Cil’Eternit, un homme qui a passé sa vie à élargir ses connaiss…

Quelqu’un massacrait sa porte. Et juste au moment où les phrases arrivaient sans effort, bien entendu ! Il ne releva même pas la tête, continuant à écrire.

- Et bien, entrez !

Il entendit la porte s’ouvrir, mais ignora tout bonnement son interlocuteur. Lorsqu’il eut mit un point au bout de la phrase, quelques secondes plus tard, il l’observa enfin. Un air pensif et confiant, quoiqu’un peu perdu, ce qui s’expliquait facilement, une attitude des plus paisibles… un nouvel élève, sans aucun doute. Rêveur, ou dessinateur ? En tout cas, il semblait un travailleur assidu, ce qui n’était pas pour déplaire l’Intendant. Le garde qui l’escortait, ainsi que ses emblèmes, le désignait comme un noble, et pourtant l’Intendant resta un instant dubitatif. Pourquoi sa peau était elle hâlée, dans ce cas ? Et pourquoi regardait-il toutes les choses de valeur dans cette pièce comme si elles ne devraient pas y être ? Noble, sûrement, mais pas aussi fier de ses origines que la plupart des autres… ce qui n’était pas un mal, d’ailleurs. Il aurait moins de difficultés à trouver sa place parmi les autres élèves.

- Bienvenue à l’Académie ! Je suis Jehan Hil’Jidwin, Intendant de l’Académie. Et tu es ?

Sans lui laisser le temps de répondre, il se tourna vers le garde qui attendait à la porte, le sourire aux lèvres.

- Je ne pense pas que ce jeune homme est besoin d’une nounou, à présent, mais si vous comptez rester, entrez et fermez la porte, je vous prie. Dans le cas contraire, la Grande Salle est au rez-de-chaussée du bâtiment principal. Vous avez dû passer devant en venant ici, les doubles portes sont impossibles à manquer. Quelqu’un vous servira à boire et à manger et vous pourrez vous réchauffer un peu avant de repartir. L’hiver à Al-Poll frappe fort, il faut dire...

Jehan ne s’attendait pas à une réponse ; le vocabulaire des combattants ne lui avait jamais semblé très large. Sans plus s’occuper de la décision du garde, il se retourna vers le futur nouvel élève.

- En plus de ton nom, j’aimerai connaître ton orientation, tes motivations et tes résultats aux trois défis.

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" Sieur Hil’Jidwin…" murmura le jeune homme en hochant la tête en signe de salutation sincère.
L’homme avait après tout une place importante à l’Académie, manquer de politesse aurait été honteux. Mais plus que le titre et l’étiquette, c’était une manière discrète de le remercier. En effet, le lourd regard du garde dans son dos rendait le noble mal à l’aise, voir même légèrement nerveux, bien que son masque paisible n’en soit pas troublé d’un pli. Il n’y avait que ses yeux noisettes qui, comme un livre ouvert, étaient deux portes sur ses émotions intérieures. Aussi c’est avec soulagement qu’il entendit le combattant partir, non sans foudroyer l’Intendant du regard et en grommellent quelque chose d’un ton menaçant. Quand enfin la porte fut refermée, le jeune homme aux cheveux corbeau se détendit pour la première fois depuis son arrivé. Secouant la tête pour chasser les quelques mèches sombres devant ses yeux, puis plongeant son regard dans celui de l’homme assis en face de lui, il lui fit un faible sourire désolé.

- Veuillez excuser sa conduite… Je m’appelle Imki Mil’Sipate.
Second hochement de tête poli. Pas qu’il craignait paraître discourtois, ni parce qu’il était du genre dégoulinant d’attention envers les autres, comme certains nobles souhaitant s’attirer les bonnes grâces des gens plus puissants. Déjà là, s’il aurait été comme ces derniers, il aurait fait encore plus de manières et non de simples gestes réservés. S’il faisait ça, en fait, c’était tout simplement par franchise. Parce qu’il reconnaissait la valeur des gens et qu’il restait toujours humble devant quiconque. Un simple gamin de fermier adopté par une grande famille. Un coup de chance. Il ne méritait pas être propulsé en haut. Il savait qu’au font, il restait dans les derniers. Ses yeux noisette s’arrêtèrent un instant dans ceux verts et brillants de l’Intendant, s’y accrochant un long moment. Un silence. Voyant soudain qu’il s’était encore un fois perdu dans ses pensées, Imki cligna brusquement des yeux comme pour se réveiller, puis tendit une lettre à l’Intendant en rougissant discrètement, baissant légèrement la tête pour masquer ses yeux derrière sa tignasse foncée.

La missive contenait ses résultats aux trois défis. Il avait toujours ignoré quels étaient ses résultats, ses parents n’ayant pas jugé bon de lui faire part. Bien qu’il n’était pas d’un naturel curieux, outre ce qui concernait les études, le jeune homme n’avait cependant pas résisté à l’envie de décacheter le parchemin, bien qu’il ait longuement hésité, se sentant coupable de désobéir à ceux qui avaient mis toute leur confiance en lui. Toujours est-il qu’il s’était révélé n’avoir aucun talent aux armes ou à n’importe quel forme de combat. Ne possédant aucune agressivité, cela n’était aucunement étonnant. Pour les marchombres, ses parents avaient refusés qu’il passe le test. De toute manière, même s’il avait la souplesse, la démarche, et qu’il aimait bien la mentalité et les poèmes marchombre, Imki se doutait que ce n’était pas une branche pour lui. Et pour le défi du Maître Dessinateur… Quand le jeune homme avait découvert ses résultats, il en avait été tellement troublé qu’il n’en avait pas dormit deux jours d’affilés. Il avait un don pour le Dessin. Un réel don.

Ses trois cercles parfaitement bien centré, un cercle vert dépassait presque les bords de la feuille, Pouvoir et Créativité mélangés, suivit d’un cercle rouge de taille respectable, la Volonté, mais bien peu impressionnant. Imki était donc bien un Dessinateur, bien qu’il n’ait jamais expérimenté son pouvoir, volontairement ou pas. Et la question restait. D’où tenait-il ce pouvoir? Ses parents biologiques étaient de familles démunies, sans dons aucun pour le dessin. Alors pourquoi lui? Et un aussi grand potentiel de surcroît. C’était à n’y rien comprendre. Mais il n’avait pas le droit de douter de la vérité que lui avaient dit ses parents. Après tout, pourquoi lui auraient-ils menti? Ce n’était sûrement qu’un incroyable coup de chance dû au hasard. Mais tout de même… Imki avait le pressentiment que quelque chose lui échappait. Que quelque chose lui était cachée. Mais quoi? La raison avait tout de même pris le dessus et le reste du voyage s’était déroulé dans la sérénité, ou presque. Les doutes et les mauvais souvenirs sont toujours de ces tâches difficiles à partir, malgré toute sa bonne volonté. Imki, encore un fois partit dans ses pensées, revint sur terre au moment où l’Intendant levait les yeux sur lui, ayant finit sa lecture.
" J’ai été inscrit pour l’enseignement académique traditionnel " finit-il, devinant à son regard qu’il voulait lui poser la question.

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Décidément, le jeune homme ne ressemblait pas à la plupart des enfants de nobles qui venaient se faire répartir. Modeste, courtois, discret et réservé, il n’avait rien de la prétention de l’élève dont les parents mécontents attendaient la réponse de l’Intendant. Imki Mil’Sipate… Sa famille ne passait pas inaperçue, pourtant. Mais ses doutes étaient sûrement infondés ; la personnalité du jeune homme était peut-être différente de la moyenne pour sa classe sociale, mais son identité, elle, ne faisait aucun doute. Jehan lui sourit avant d’attraper la lettre du bout de ses longs doigts. Il la parcourut rapidement des yeux, ne notant que ce qui était d’importance. Un Dessinateur, donc ; Merwyn Ril’ Avalon serait heureux de l’apprendre. Il s’apprêta à poser quelques dernières questions avant de l’envoyer dans sa maison, mais Imki le devança en essayant déjà de lui répondre, volant un sourire amusé à l’Intendant.

- Merci, Imki. Tu iras donc à Lotra, si cela te convient. Ta salle commune se trouve au troisième étage de l’aile est, et tu pourras t’y installer dès que tu sortiras d’ici. Si tu te perds, n’hésite pas à demander à un élève, je suis sûre qu’ils se feront un plaisir de te montrer le chemin ! Oh, et tiens, ceci est pour toi.

Jehan ouvrit alors un coffret en bois posé sur le bureau, commençant à fouiller dedans, avant de murmurer pour lui-même :

- Mais ce n’est pas possible ! N’avais-je pas demandé à être prévenu lorsqu’il n’en restait plus beaucoup ?

Il soupira, puis attrapa sa plume pour écrire nettement qu’il devrait rendre une petite visite au forgeron. Et puis tant qu’il s’y rendait, il en profiterait pour demander au maître d’armes s’il avait besoin de réparer ou forger d’autres sabres… Les tâches qu’il devrait bientôt mener à bien s’imposaient à lui les unes après les autres, mais il les repoussa soudain ; plus tard, plus tard. Pour l’instant, il devait s’occuper d’Imki et être certain que celui-ci se sentirait ici rapidement chez lui. Il sortit alors le dernier anneau de bronze du coffret, et le tendit enfin au dernier Académicien à être entré dans l’établissement. Il attendit quelques instants que celui-ci le mette. Imki devrait le garder précieusement ; l’anneau que tous les élèves recevaient à leur arrivée prouvait qu’ils faisaient partis de l’Académie. A présent, tout était en ordre.

- Bien ! Maintenant que tu as répondu à mes questions, inversons donc les rôles ! Si tu as quelques doutes que ce soit, c’est le moment de m'en faire part.

Un clin d’œil de Jehan lui laissa savoir qu’il n’avait qu’à demander pour recevoir des réponses. Le jeune noble ne semblait pas très bavard, mais Jehan réussirait bien à le mettre à l’aise en sa présence. Tous les élèves finissaient par le connaître et lui faire confiance en ce qui concernait l’Académie.

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Quelque chose prit Imki à l’estomac alors qu’il sentait le poids de l’anneau en bronze dans sa main. Quelque chose d’inexplicable. Quelque chose entre la surprise, le remord de voir le regard préoccupé de l’homme surchargé par ses tâches, et un chatouillement étrangement agréable qu’il n’avait pas ressentit depuis longtemps. Et alors que l’homme lui faisait un sourire rassurant ainsi qu’un clin d’œil complice, le noble comprit alors et un léger sourire étira ses lèvres. Pour la première fois depuis qu’on l’avait arraché à sa famille biologique, il se sentait accepté quelque part. Chez lui.
- Merci… Merci beaucoup, sieur Hil’Jidwin.
Ce n’était encore qu’un murmure, comme celui qui n’était pas habitué à parler abondamment, ce qui était le cas. Mais on pouvait facilement voir dans ses yeux noisette toute la reconnaissance qu’avait Imki pour l’homme, qui lui avait pourtant offert quelque chose en apparence bien banal, mais ô combien symbolique.

Et c’était cette symbolique qui rendait justement l’objet, et sa valeur, inestimables.
- Je crois être capable de me débrouiller de mes propres moyens. Et puis, j’ai l’impression que vous avez bien d’autres choses à faire. Je ne prendrais pas plus de votre temps.
Pour la troisième fois depuis qu’il était entré dans le bureau, Imki inclina la tête, mais en signe d’au revoir cette fois, auquel l’homme répondit chaleureusement Et alors qu’il poussait la porte, un léger sourire flottait sur ses lèvres. À quand remontait la dernière fois qu’il avait sourit? Il avait l’impression que c’était il y a des années. Mais son sourire fondit comme neige au soleil dès que son regard croisa celui sombre et glacial du garde qui l’attendait derrière la porte, que le noble venait tout juste de refermer en laissant l’Intendant à son travail. La cruelle réalité lui sauta à la gorge comme un molosse enragé et il baissa aussitôt la tête de sorte que ses mèches noires lui couvrent le regard, seul signe de défense qu’il avait développé pour se protéger de la haine humaine.

- J’attends les ordres, sieur Mil’Sipate.
- Mes bagages…
- Déjà déchargés, ils attendent dans le hall.
- … Je vais me débrouiller seul pour les emmener à…
- Vos parents vont désapprouver.
- … Je demanderais qu’on m’installe, il doit bien y avoir du personnel ici…
Mais à son ton las, on voyait qu’il songeait peu à mettre cela à exécution. Tout comme il était évident que commander n’était vraiment pas dans ses cordes.
" Vous direz à mes parents que je suis dans la maison de Lotra, mais je doute que cela les intéresse… Vous... "Il soupira. " Vous pouvez disposer. "
Sans même un geste d’au revoir, le gaillard tourna talon et quitta. Imki se douta qu’il n’allait sûrement pas le revoir avant longtemps. Peut-être même qu’à l’heure qu’il était, ses compagnons de voyage avaient déjà pris la route, sans aucun état d’âme pour celui qu’ils laissaient derrière. Imki préférait tout simplement ne pas trop y penser. Cesser de penser, c’était un peu grâce à ça que son corps ne se balançait pas encore au bout d’une corde.

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